RIESLING AVEC VUE
DANIEL J. BERGER
Au loin, Francfort dont les tours blanches se détachent comme un mirage sur l’horizon. Ciel moutonnant. Vent brusque. Premiers jours de septembre à Nierstein, au lieu dit Roter Hang.
Sous le regard, le Rhin large et calme en courbe, des péniches se croisent. Sur la rive gauche où nous sommes, poussent en à-pic sur de la terre rouge, les ceps de riesling, qui donnent des vins parmi les plus célèbres et les plus chers.
Dernier chapitre du voyage-dégustation organisé par Rheinhessenwein, l’organisme de promotion du vin de Rhénanie-Hesse.

Plein air, frais. Les courants d’air sèchent les grappes bientôt à vendanger. Face à nous, Louis Konstantin Guntrum (photo ci-contre, vers 16 h samedi 05.09) brillant et malicieux héritier d’une lignée qui a élevé ici de grands crus, les rieslings de Nierstein, produits depuis le fameux édit de 1787 de l’Électeur de Trèves, Clemens Wenzeslaus, qui ordonnait: « alle minderwertigen Rebsorben auszuhauen und durch Rißling zu ersetzen »
(*) Cépage noble de l’Allemagne, il s’est répandu de la région de Mayence d’abord en Alsace, puis à toutes latitudes, Chili, Chine, Afrique du sud, Australie, Nouvelle-Zélande, USA et Canada. Mais c’est toujours ici-même que l’on trouve les meilleurs.
L. K. Guntrum s’est offert à présenter les vins de ses confrères, les Niersteiner, et il a l’élégance de ne pas tirer la couverture à lui. Dix vins vont se succéder — couleur d’herbe tendre luisant dans l’azur, à la minéralité subtile et d’une acidité modérée.
J’ai retenu surtout les Niersteiner Pettenhal Spätlese Trocken 2008 du Weingut (Domaine) Julianenhof, exquis de fraîcheur, tout en légèreté, à boire dans 4-5 ans; et le « General von Zastrow » 2007 du Weingut Schätzel, noble et hautain, presque insaisissable, excellent aujourd’hui et certainement dans 20 ans, auquel j’attribue un 17/20; puis les 2007 Niersteiner Orbel du Weingut Guntrum et Schloss Schwabsburg du Weingut Fritz-Ekkehard Huff.
Guntrum clôt sa série par un merveilleux vin de glace produit sur son domaine, un sylvaner Niersteiner Auflangen Eiswein de 1978 impressionnant de finesse, qui nous emporte doucement en un vol à la Peter Pan au-dessus du Rhin jusqu’au ciel diaphane, celui du paradis sans doute.
Plus de deux mois après, mes impressions de la litanie bucolique des rieslings de Nierstein sont toujours bien vives à ma mémoire, celles de vins essentiels — allègres et légers, distingués, incomparablement spirituels.
Le silvaner (1), cépage le plus répandu en Allemagne jusqu’à la moitié du siècle dernier et tombé depuis aux alentours de 10%, est bien à sa place sur le sol de la Hesse rhénane, 3ème cépage de la région avec environ 2 500 ha, derrière le mueller-thurgau (4 300 ha) et le riesling (3 800 ha). Les rendements y sont élevés, un peu plus de 100 hl/ha (25% de plus qu’en Alsace).
— les viandes (Gebratener Steinbutt in süß-saurer Currysauce auf
asiatischem Wokgemüse mit Basmatireis), avec un excellent « S » Geil’s Sekt- und Weingut 2007
Dès la 3ème bouteille, on pouvait deviner qu’il s’agissait du même cépage par le nez épicé et le rouge peu dense, à coup sûr du pinot noir. Mais trois pays d’origine… le doute planait. En réalité, parmi ces premières 7 bouteilles seuls deux bourgognes étaient en lice — un Chassagne-Montrachet et un Beaune 1er cru 2007 de chez Morey manquant singulièrement de relief, bien peu à leur avantage —; et il n’y avait pas d’Italiens dans le lot.