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  • IVAN MASSONNAT ET LA PAULÉE D’ANJOU

    par Daniel J. Berger | Août 4, 2022

    Entretien avec Ivan Massonnat, l’un des trois vice-présidents de la Paulée d’Anjou qui s’est déroulée fin juin au château de Saumur et fondateur du Domaine Belargus.

    L’édition 2022 s’est-elle bien déroulée ? Nous avons réuni 500 participants, l’ambiance était super, les invités ont répondu OUI très vite, je sens que nous sommes sur la bonne voie. Le message envoyé collectivement par les vignerons de la Paulée interpelle le marché, qui est en train de redécouvrir ou même découvrir les vins de l’Anjou. À 91 propriétés nous sommes plus audibles qu’à juste quelques-unes, même emblématiques ou exemplaires. Mais nous n’en sommes qu’au début, il ne faut pas griller les étapes, cette dimension collective est encore fragile: faire adhérer des vignerons très différents à un même projet est assez délicat.

    La manifestation résulte d’une réflexion déjà ancienne sur les vins de l’Anjou Oui, depuis le travail en profondeur des vignerons pionniers des années 80 — les Nicolas Joly, Mark Angeli, Richard Leroy, Jo Pithon, … —, comme le passage en bio et biodynamie, la considération pour le terroir, le travail parcellaire et le chenin en vin sec, travail qu’ils ont réalisé chacun sur leur domaine et à leur manière. Depuis, la relève a pris conscience de la grandeur de nos terroirs, de notre incroyable diversité, de notre histoire, et de nos paysages, arbres, haies, etc. (« pays sage » dit Eric Orsenna) qui ont un grand écho dans le monde. Sans oublier la haute précision des six micro-appellations, tout juste 400 hectares au total — Savennières, Coulée de Serrant, Roche aux moines, Chaume, Quarts de Chaume, Bonnezeaux —, propres à la Loire et uniques. Et du vin comme produit de civilisation remontant au moyen âge et au roi René d’Anjou.

    Ivan Massonnat

    Vous êtes encore en phase développment, la Paulée d’Anjou recrute-t-elle ? Nous sommes sortis du confidentiel et de l’entre-soi qui caractérisaient la Paulée il y a dix ans. Mais grossir la troupe n’est pas un objectif en soi, un numerus clausus à une centaine de vignerons paraît un seuil raisonnable pour représenter et promouvoir de manière compréhensible la cohérence et la complémentarité de nos trois sous-régions — Anjou, Saumurois, Bourgueil.

    Comment la Paulée va-t-elle continuer à refaçonner le visage de l’Anjou viticole? Pour poursuivre le travail accompli il va falloir situer notre registre au-delà du commerce des salons et congrès, et élargir nos cercles d’influence à divers sujets comme l’économie, la politique, la culture. Et sans doute constituer une équipe pour l’organisation de la manifestation. Car pour l’instant ce sont les vignerons qui mènent la barque et il faut leur restituer le temps qu’ils y passent à leur vrai métier, la vigne et le chai. Ce qui ne les empêchera pas de choisir ensemble les thématiques à développer, de prendre la parole et de structurer le débat, sans l’enfermer.

    Passons à votre domaine Belargus. À plus de 100 € une bouteille de votre quarts de chaume Les Rouères ou du coteau du Layon Coteau des Treilles, votre propriété est au top des prix des vins d’Anjou. Y a-t-il, derrière la vôtre, une stratégie d’augmentation des prix des vins de la communauté de la Paulée? Pas directement. J’ai voulu créer une amplitude de prix qu’on refuse à la Loire et a fortiori à l’Anjou: c’est une injustice. Pour l’instant entre les entrées et les hauts de gamme les rapports de prix sont trop réduits. Si l’on compare avec d’autres régions, entre des surfaces plates qui produisent beaucoup et des coteaux très difficiles à exploiter on voit que l’amplitude va de 5 à 10. En Anjou les vignerons qui produisent de grands vins à des coûts de production élevés ont l’impression de ne pas les vendre assez cher. À Belargus, j’ai établi une amplitude de 5. Les acheteurs de grands crus

    Azuré Papillon azuré mâle ou Bel-Argus

    sont habitués à les payer cher, très cher même. Le Coteau des Treilles qui est un vin extra-ordinaire, n’est pas « très » cher et, croyez-le ou non, à ce prix les connaisseurs ne trouvent pas d’équivalent en Bourgogne ou d’autres régions de grands crus où il faut mettre deux ou trois fois plus pour ce niveau de qualité. De la revendication légitime d’une meilleure amplitude des prix des vins de l’Anjou j’ai voulu faire passer un message politique et j’assume ma position. Sous l’influence d’observateurs comme ceux de Decanter ou de Wine Advocate par exemple, le plafond de verre est en train de sauter car le segment de marché qui apprécie à sa juste valeur ce qu’il y a dans la bouteille, est prêt. Et pour que les crus de nos coteaux soient reconnus à leur juste valeur il faut que leur prix corresponde à la fois à la qualité du travail et à celle du vin.

    Cette reconnaissance passe d’abord par l’international ? Absolument. La reconnaissance des vins du Jura dont on parle pas mal en ce moment, est venue de New York. Idem pour les crus du Beaujolais. En matière de vin le Français est assez conservateur et a souvent l’impression de tout savoir. Et pour y croire quand il s’agit d’Anjou ou de muscadet par exemple, il a besoin de la référence des observateurs américains, qui ont l’esprit plus ouvert.

    Vous avez une formation d’ingénieur telecom et vous êtes financier de profession: quelle est votre histoire avec le vin ? Une histoire d’amour. Et une histoire d’enfance: je suis d’origine savoyarde, mon grand-père conduisait une vigne familiale sur quatre à cinq parcelles, j’aimais les odeurs, les gestes, et le plus beau jour de l’année était la fête des vendanges. Devenu adulte j’ai passé mon temps à essayer de comprendre le vin. D’abord dans les vignes et dans les caves de Bourgogne alors très accessible. Puis quand plus tard mon rêve de vin s’est précisé et que j’en ai eu les moyens, j’ai essayé d’acheter à Chinon, sans succès, avant de me concentrer sur l’Anjou où j’ai passé deux ans à chercher dans une zone de 20 km autour d’Angers. J’ai beaucoup rencontré de vignerons et d’intermédiaires, appris les différences des sols et des terroirs. Et puis j’ai eu de la chance, je me suis trouvé au bon moment au bon endroit…

    Jo Pithon et Ivan Massonnat devant le coteau des Treilles

    … vous avez rencontré Jo Pithon… C’est ça. Plus précisément, je voulais bâtir un domaine sur les plus beaux terroirs de l’Anjou noir — coteaux du Layon, quarts-de-Chaume, savennières. Avec l’Anjou noir on est dans un chaos géologique du Massif Armoricain à l’ère primaire, disons 500 millions d’années. D’une parcelle à l’autre on trouve des sous-sols très hétérogènes qui vont donner des profils aromatiques complètement différents. Alors en 2018, suite à une succession d’opportunités, de rencontres et de circonstances j’ai pu réaliser ce rêve en six mois. La première partie du futur Domaine Belargus a été constituée des vignes achetées à Jo Pithon, neuf hectares sur les coteaux du Layon. Ensuite, j’ai pu acquérir des parcelles de quarts de chaume au cœur historique de l’appellation (la seule à avoir des Grands Crus) que je lorgnais depuis plusieurs années, deux parcelles adjacentes, Les Rouères et Le Veau. Puis encore 10 ha d’un seul tenant. Et j’ai pu acheter des parcelles à Savennières, puis 6 autres ha sur l’autre rive du Layon. Belargus couvre 24 ha. Sur la carte ci-dessous on voit bien comment il est implanté et quel est son relief.

    C’est le Coteau des Treilles qui vous a finalement décidé? Ça a été un vrai choc, un coup de foudre. J’ai pensé que cette faille géologique très pentue exposée plein Sud devait tout simplement devenir un haut lieu du vin. De tout temps le Coteau des Treilles, face à la petite rivière du Layon qui va se jeter à l’ouest dans la Loire, a été couvert de vignes, les vieilles cartes postales en attestent, mais a été abandonné après-guerre. Les coteaux du Layon historiques sont aujourd’hui couverts de forêts et de maquis abandonnés car trop difficiles à cultiver. À la fin des années 1990, Jo Pithon avait eu cette idée un peu folle: « il y avait des vignes sur les coteaux juste en face des Bonnes Blanches, et si on replantait ? » Lui et sa femme Isabelle Paillé ont passé cinq ans de leur vie à acheter 70 parcelles à 25 propriétaires pour reconstituer le vignoble et le remembrer ! De plus l’endroit bénéficie d’un microclimat méditerranéen, avec un nombre incroyable d’individus par espèce que ce soit de faune ou flore, tout à fait extérieures à l’Anjou. Il a d’ailleurs été étudié par des botanistes dès le XVIIIème siècle. En 2009, il a été officiellement classé réserve naturelle régionale sur 10 ha, protégé et géré par la LPO (Ligue pour la Protection des Oiseaux). C’est un écrin de biodiversité extraordinaire qui n’a jamais connu la chimie. Visuellement, ce coteau pentu jusqu’à 70% est aussi un choc graphique. Alors je me suis dit: « ça y est, c’est forcément là, en Anjou, le point de départ de l’aventure. »

    La pente à 70% du Coteau des Treilles vue d’en haut

    Quelle est votre idée du vin ? En plus de ce qui est dans la bouteille, ce qui m’intéresse c’est tout ce qu’il y a autour, l’humain, les paysages, l’histoire, la géographie, la gastronomie avec un côté hédoniste — j’aime beaucoup trouver les bons accords mets/vins. Le vin est pour moi un medium, un moyen de transmettre au sens large, entre les générations, de réunir des gens d’horizons différents, de rapprocher les hommes, qui en ont bien besoin surtout en ce moment.

    Sources : conversation téléphonique du 26.07.22 et entretien avec Vin sur Vin du 20.09.20

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  • ANJOU: LA PAULÉE PREND DE L’AMPLEUR

    par Daniel J. Berger | Juil 27, 2022

    lI y a un mois au château de Saumur, la « Paulée de l’Anjou » fêtait son 10ème anniversaire. Cette manifestation créée par un collectif de vignerons ambitieux veut faire mieux comprendre l’histoire, la géologie et les modes de viticulture angevins. En recomposant progressivement la province de l’Anjou historique groupant « Anjou blanc » (bassin parisien, sols de tuffeau calcaire) et « Anjou noir » (massif armoricain, sols de schistes et grès). Une vraie dynamique fédératrice. Nous en étions.

    Historiquement, la « paulée » — la dernière « pelle » versée au pressoir, terme d’origine bourguignonne — a d’abord été synonyme de repas de fin de vendanges. Et l’occasion pour les viticulteurs de goûter à la bonne franquette leurs bonnes bouteilles respectives jusqu’à tard dans la nuit.

    D’abord vernaculaire, la pratique de la Paulée s’est transformée parfois sous d’autres noms et à d’autres dates que celles des vendanges, avec un même objectif: promouvoir l’extraordinaire variété des terroirs viticoles français en en faisant déguster les vins aux professionnels — importateurs, sommeliers, cavistes, restaurateurs et bars à vins, journalistes spécialisés, etc.

    Les engagements du collectif de la Paulée d’Anjou consignés dans une charte, précisent ses valeurs d’ouverture d’esprit et d’aide aux jeunes viticulteurs, sa mission de viticulture responsable et durable (bio et biodynamie). L’année dernière les vignerons de Bourgueil ont rejoint la Paulée montant à plus de 90 le nombre de ses membres*. Réunis en plein air autour de grandes tables de dégustation collective remplaçant le modèle une-table-un-vigneron, ils ont cette année mis à l’honneur ensemble les monocépages emblématiques de la région : chenin blanc et cabernet franc (rouge).

    La Paulée d’Anjou 2022, réussite joyeuse qui a débuté par un traditionnel lancer de chapeaux par les 91 vignerons qui l’ont organisée eux mêmes

    Pour ma part j’ai apprécié, entre autres, le savennières Clos du Papillon du Domaine du Closel, qui produit des « vins de lieu accompagnant le chenin dans sa capacité à exprimer un paysage dans sa diversité de terroirs et de climats [en prenant en compte] les saisons, le cycle de la lune, le jour et la nuit, la géologie, la lumière, la Loire, les coteaux de schiste et les coulées. » (Ouf). Un programme exemplaire.

    Et aussi le blanc sec du Clos des Treilles, « modèle d’une viticulture héroïque héritée de Jo Pithon » travaillée sur un coteau très pentu et le liquoreux des Rouères tous deux du Domaine Berlargus (prix astronomiques); également le Coteaux de l’Aubance du Domaine de (la) Haute Perche, récemment repris; bien sûr la Coulée de Serrant 2020 qui après juste huit mois de fût de bois vieux apparaît déjà mûr; et enfin le cabernet franc Gondwana du domaine de Fosse Sèche sorti hors appellation (en « Vin de France », à 50 € quand même).

    Ancrage culturel
    La nouveauté de 2022 était une conférence voulant bien marquer la dimension culturelle des vins d’Anjou, sous l’égide de l’académicien Eric Orsenna, membre de l’académie du vin de France. Avec comme invité le journaliste anglais Andrew Jefford, l’un des premiers à avoir pressenti la renaissance de l’Anjou viticole. Ainsi que le vigneron-chroniqueur Patrick Baudouin à Chaudefonds-sur-Layon; la sommelière française qui fait paraît-il la pluie et le beau temps à New York, Pascaline Lepeltier; et la spécialiste des paysages à l’Unesco, Myriam Laidet.

    Avec son agilité intellectuelle légendaire, Erik Orsenna a annoncé que si on lui avait proposé après les dernières élections le ministère de la culture, il aurait répondu préférer celui de l’agriculture, soulignant que la viticulture est aujourd’hui à l’avant-garde de la modernité: en effet, la diversité des sols et des terroirs notamment angevins provoque l’emballement de quelque 150 startups. Il a prédit la fin du climat tempéré (« il n’y a plus de classe moyenne climatique »). Et a encouragé les vignerons de la Paulée à tisser une histoire et une géographie — « des lieux, des liens, des personnes » prenant Jacques Puisais comme modèle.

    Eric Orsenna en parrain

    Pascaline Lepeltier la sommelière française, star à New York City depuis 2009, confirmait que les amateurs et professionnels de Big Apple et plus largement des États-Unis sont « prêts à écouter les histoires des vins d’Anjou qui bénéficient en outre d’un très bon rapport qualité/prix. »

    Remarque d’entrée d’Andrew Jefford, s’exprimant en français: « on manque dans le monde de blancs secs de rêve », vineux, complexes, et ceux d’Anjou « ont la capacité d’accéder à ce statut. » Avec une signature du sol, volcanique par exemple, en se comparant à l’Alsace ou à St-Chinian qu’il connaît bien (il vit en Languedoc depuis 2010). Il a insisté sur l’incroyable richesse culturelle du vin d’Anjou, déjà cité par Shakespeare par exemple dans King John / Le Roi Jean (siège d’Angers alors anglaise, assiégée par Louis le dauphin de France). Il a conclu en constatant le problème des appellations, qui doivent être réformées.

    Relayé sur ce point par Patrick Baudouin, ancien libraire adepte depuis longtemps de la décroissance heureuse, installé d’abord sur quelques hectares en Layon légués par son grand père. En à peine deux décennies, il a produit des secs et des moelleux de haut niveau. Cet apôtre d’une œnologie de progrès, prophète de la renaissance de l’Anjou est un ardent soutien de la réforme des appellations — qui « doivent désormais inclure des critères de notre temps » comme la notion de biotope, et « intégrer les enjeux plus larges de la viticulture et du vin. »

    Myriam Laidet, géographe longtemps en lien avec le centre du patrimoine mondial de l’Unesco, qui termine une thèse de doctorat sur le paysage viticole et sa valeur culturelle, estime que la douceur des paysages de l’Anjou (chemins et pentes, la Loire à Saumur et à Angers, les châteaux en bord de fleuve), appréciée dès le XVIIème par les négociants hollandais, est l’un des atouts majeurs pour la promotion de ses vins. Plus encore, le mariage vigne et jardin (les clos, les vignes au pied des châteaux) rare en Europe, conduit naturellement l’amateur à « boire du paysage. »

    Perspectives ligériennes
    L’édition 2022 a été une joyeuse réussite avec plus de 500 participants de 15 pays, clôturée par un repas gastronomique préparé par trois chefs angevins, Pascal Favre d’Anne, David Guitton et Mickaël Pihours. Concernant l’avenir de la manifestation, nous avons posé quelques questions à l’un des trois co-présidents de La Paulée d’Anjou, Ivan Massonnat (photo ci-dessous ©Jim Budd), créateur du magnifique projet multi terroirs angevins Belargus.

    À SUIVRE…

    ___________________________

    * Initialement 37 appellations, de Saumur, des coteaux de Loire (Savennières) et de l’Anjou (Layon, Aubance, Quarts de Chaume, Bonnezeaux, Anjou blanc).

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  • SIGOGNAC: LE VIN ET L’HOMME (2)

    par Daniel J. Berger | Juil 18, 2022

    Suite et fin de l’entretien avec Louis Allard dont le Château Sigognac 2021 fait l’objet de la 8ème Cuvée Spéciale Mtonvin tirée exclusivement à quelques milliers d’exemplaires.

    Comment avez-vous envisagé et exercé votre métier lorsque vous avez décidé de reprendre la propriété?
    Ma vie commence à Paris et continue pendant cinq ans à Bordeaux pour des études de droit en vue d’y exercer le notariat. En 2009 mon père vend sa société (Téléperformance) et voulant renouer avec les origines familiales — une souche médocaine d’arrière grands-parents à Moulis —, achète cette ancienne ferme du XVIème, 50 hectares entourés de bois dont 40 de vignes. Site magnifique mais propriété en mauvais état, il faut tout rependre. J’ai alors 25 ans, mon cœur balance, c’est maintenant ou jamais… et je bifurque du notariat vers la viticulture.
    Tout est à refaire, à la vigne, au chai, sur les vins, sur l’activité commerciale. Je décide de ne pas reprendre d’études en œnologie, on engage Stéphanie Lebaron pour gérer l’intérim, et je me mets à la vigne pendant trois ans pour comprendre le fonctionnement du vignoble, assimiler le métier de A à Z en touchant à tout, et me fixer une idée de ce que je veux faire. En 2012 je parcours la France et l’étranger pour installer un réseau commercial et en 2014 je m’installe comme viticulteur à plein temps.

    Des raisins et des enfants

    Quelle réorganisation avez-vous entrepris depuis votre arrivée sur le terrain?
    Cela fait maintenant six ans que nous ne faisons plus ni amendement ni traitements à la vigne et elle se porte très très bien. La conséquence est une petite baisse de rendement, raisonnable, à 35-40 hl/ha (l’appellation Médoc en autorise 55) qui permet une bonne concentration: produire un peu moins mais mieux, sans tirer sur la vigne relativement âgée, jusqu’à 80 ans pour certains pieds (5 500 / hectare). Nous ne cherchons pas à arracher et replanter, mais plutôt à boucher au fur et à mesure les trous laissés par les ceps cassés ou morts. Car les vieux ceps apportent la mémoire, de la sagesse aux tannins, et la structure; les pieds matures entre 15 et 40 ans donnent la force et l’énergie; et les enfants entre 5 et 15 ans assurent la relève en apportant la fraîcheur de leur jeunesse. Nous procédons par sélection parcellaire un peu comme les climats en Bourgogne et chaque parcelle est considérée comme un village.

    Château Sigognac est suivi par Eric Boissenot et son équipe: quels sont les objectifs qu’ils vous soumettent?
    Jacques Boissenot son père, fils spirituel d’Émile Peynaud, suivait déjà Sigognac avant notre arrivée. Eric n’intervient qu’au démarrage des vendanges et après. Pas avant, car il nous laisse totale liberté et responsabilité à la vigne. C’est un « nez » comme pour les parfums, avec une capacité exceptionnelle à percevoir comme personne d’autre le point d’équilibre au moment de l’assemblage… à 1% près sur 2 000 hectos! C’est quelqu’un d’extrêmement discret, qui ne cherche pas comme un Michel Rolland ou un Stéphane Derenoncourt, à marquer les vins qu’il suit — c-à-d une majorité des Grands Crus Classés du Médoc, des premiers comme Château Lafite aux cinquièmes comme Lynch Bages par exemple. C’est un privilège de pouvoir échanger simplement avec l’un des deux ou trois plus grands œnologues au monde.

    Eric Boissenot

    Vous êtes manifestement attentif aux vins d’autres régions. Quels avantages cette ouverture vous apporte-t-elle pour la conception et l’élaboration de vos vins?
    Je suis amoureux des Bordeaux mais je goûte beaucoup de vins d’autres régions en allant rencontrer de grands vignerons français comme Pierre Gonon à St Joseph, Reynaud à Rayas, Pierre Morey à Meursault, Thierry Germain en Loire, Clos Rougeard, ou Vega Sicilia en Rioja. J’admire la qualité de leur travail et de leur vin. Et leur philosophie m’inspire: compréhension du terroir, sens de l’accueil, modestie, ils ont tout compris. C’est leur simplicité dans la manière d’être avec le vin qu’ils font que m’apportent ces grands vignerons: à Sigognac, je reçois comme je suis dans la vie…

    Bordeaux réagit au « bashing »…
    … et aux difficultés du marché à l’export et du vin en général, qui pâtit d’une consommation en baisse en Europe! Certes Bordeaux a encore à progresser sur les points critiques qui lui sont reprochés, mais en même temps ce que viennent chercher les marchés ce sont les châteaux, les étiquettes, les propriétaires… Les crus bourgeois auraient du faire passer une autre image que la copie un peu ratée des Grands Crus Classés, qui eux-mêmes manquent souvent de simplicité si ce n’est de sincérité, enfin ça évolue, chez les jeunes surtout.

    Quel destin assignez-vous à Château Sigognac?
    Nous avons déjà pas mal avancé mais la marge de progression reste considérable. L’important c’est la présence à la vigne et l’engagement bio. Et cet engagement va plus loin, à commencer par le travail des sols selon les enseignements des agronomes français Claude et Lydia Bourguignon: pas de labourages, qui donnent l’impression de donner de la vigueur à la vigne mais illusoire sur le long terme car on détruit la matière organique en surface. Un peu de semis d’herbe naturelle, le compost formé par l’herbe coupée et les débris de sarment, et des sols enherbés entre chaque rang. La vigne se défend toute seule.
    Je veille à garder une forme de pureté du raisin. J’ai envie que mes vins soient bus et partagés et non conservés en cave pour être revendus. Je cherche à les faire à mon image, médocains, sur le fruit, à l’équilibre. Et à préserver la particularité de leur trame tout en prenant en compte les effets du millésime et des assemblages qui varient d’un millésime sur l’autre: c’est page blanche et balles neuves chaque année.

    Propos recueillis au téléphone en juin 2022

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  • SIGOGNAC: LE VIN ET L’HOMME (1)

    par Daniel J. Berger | Juil 4, 2022

    Louis Allard, directeur du Château Sigognac situé au nord du Médoc à Saint-Yzans, livre un premier témoignage de sa vision du vin et notamment de celui qu’il a élaboré spécialement pour la Cuvée Mtonvin n°8, dont la réservation sera close au 15 juillet.

    La cuvée spéciale Mtonvin: le juste milieu
    Après douze mois de barrique, votre vin va être mis en bouteille au mois de septembre et livré en novembre. Il va avoir besoin de se poser un bon mois avant de s’épanouir jusqu’à 10 ans. Les cabernets sont jolis et les merlots pleins de fruit. Il a une jolie trame de fond, une belle tension, de la garde. Avec Eric Boissenot notre œnologue, nous avons voulu faire un vin plaisir avec cette identité médocaine qui me tient à cœur et à vous aussi si je comprends bien… Et puis cela fait du bien de retrouver de la fraîcheur après les trois précédents millésimes torrides et d’avoir un vin qu’on est pas obligé de stocker 20 ans avant de l’ouvrir. La Cuvée Spéciale Mtonvin est un vin de juste milieu, entre l’attente et l’immédiat.

    Situation de Sigognac à Saint-Yzans

    2021, millésime bordelais
    Le 2021 est un millésime particulièrement hétérogène, dur, humide, mais Château Sigognac a été épargné: pas de gel, une belle arrière saison, une bonne concentration des raisins. Les millésimes 2018, 19 et 20 ont été exceptionnels en degré alcoolique — on a vu des merlots à 15 presque 16° —, et ils ne sont pas vraiment typiques de Bordeaux. On peut évoquer le 2003 tant vanté mais qui a eu bien du mal à avancer dans le temps. Le 2021 est un millésime plus bordelais, moins chaud, digeste, prêt à boire. On pourrait faire le rapprochement avec 2012 qui est délicieux.

    Mon cher terroir
    Je cherche à faire des vins qui ont une identité Médoc mais qui me ressemblent, sans chercher à « faire comme » tel ou tel château. Des vins sur le fruit, avec de l’équilibre, de la tension, en résonance avec le terroir de Sigognac argilo-calcaire avec des sols frais — assez atypiques dans le Médoc, à 80% graves dans le sud, sablo graveleux au centre, avec un encépagement en majorité cabernet sauvignon, alors que Sigognac est à 50% merlot. Le sol d’ici procure au vin de la minéralité et de la tension, et je veux ne pas trahir le terroir.

    Chai du château Sigognac

    Humilité et présence
    Pas de technologie comme dans les grands châteaux, ni de robotisation, de calcul et d’analyse — des feuilles, des baies, des peaux, de la pulpe, de la pétiole… Je n’en fais plus aucune aujourd’hui : avant de récolter je goûte avec Eric Boissenot et quand j’estime que c’est bon on peut vendanger. Il ne faut pas tout vouloir contrôler, mais plutôt avoir plutôt du bon sens paysan (nouveau pour moi mais je m’améliore !), c-à-d avoir une capacité à rester humble vis-à-vis de la nature. Il faut de la « présence » — à la vigne, au chai, aux dégustations. Quand on se préoccupe de tous ces facteurs en cherchant sans relâche la pureté du raisin, la marge de progression est immense. J’ai 37 ans et je me donne dix ans pour arriver à l’excellence. Chaque année nous affinons la « trame » des vins — fraîcheur, minéralité, expression du terroir —, c’est pour cela que nous faisons de plus en plus de cuvées parcellaires pour capter et valoriser la typicité avant d’assembler et pouvoir ainsi mieux exprimer la réelle identité du vin.

    À SUIVRE

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  • MUSICA VINI 9ème ÉDITION LE 10.09

    par Daniel J. Berger | Juin 26, 2022

    La prochaine édition du festival Musica Vini se tiendra le samedi 10 septembre prochain de 15h à 19h au château de Pescheseul sur la commune d’Avoise (à 15 km de Sablé-sur-Sarthe). Elle comprendra trois concerts-dégustations.

    Musica Vini est un festival original au cours duquel les musiciens invités jouent
    ou improvisent après dégustation préalable d’un vin qui est présenté par son vigneron,
    et que le public déguste à son tour pendant le concert.
    La manifestation n’est pas réservée qu’aux mélomanes et/ou œnophiles mais aussi à toute personne curieuse de sensations nouvelles et inédites. Accueillie au Domaine historique de Pescheseul au bord de la Sarthe, elle est devenue au fil des années un rendez-vous favorisant les rencontres amicales.

    Les trois concerts-dégustations de la 9ème édition du festival seront dédiés :

    — à la musique baroque interprétée par la formation du claveciniste ARNAUD de PASQUALE avec Josèphe Cottet et Jérôme van Waederbecke – violons anciens, et Julien Léonard – viole de gambe — sur un SAVENNIÈRES JO PITHON 2020

    — au jazz original du trio jazz TIME TRACKS, réuni par le tromboniste Guillaume Cottet-Dumoulin, avec le harpiste Christophe Saunière et le batteur Nicolas Martynciow — sur
    un ANJOU ROUGE DOMAINE LA TUFFIÈRE 2019

    — et à une création électro acoustique du COLLECTIF composée spécialement pour le festival par six de ses membres — Erwan, Flavien, Louise, Maya, Quentin et Tristan, diffusée via un Sound System (mur de haut-parleurs type Roots) — sur un BERGERAC PERROU LA BARAGOILE 2016 de la FAMILLE d’AMÉCOURT

    Les vins présentés et les CDs des interprètes seront en vente aux entractes.

    Entrée 20 €. Billetterie sur le site musicavini.fr (et, hors réservation, 25 € au guichet le 10.09)
    Informations et contacts: festival@musicavini.fr — 06 2212 3237

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  • 14 MUSCLES POUR 1 BOUCHON

    par Daniel J. Berger | Juin 23, 2022

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