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  • LIGERS: HOMMAGE À JACQUES PUISAIS

    par Daniel J. Berger | Fév 23, 2021

    Le concours des Ligers a rendu hommage à Jacques Puisais, célèbre œnologue et personnalité d’envergure internationale, en bravant la Covid-19 qui l’a emporté (voir + bas).

    Jacques Puisais (†) le 26.10.20 à Chinon – Cyril Chigot / Divergence / Le Monde

    Le concours Ligers des vins de Loire a pu être maintenu à Angers le 30 janvier dernier moyennant une réduction du nombre de jurés pour permettre les distanciations requises.

    Le Ligers attribue des médailles aux vins de la Loire — de Nantes à Sancerre en passant par l’Anjou, le Val de Loire, la Touraine et Saumur, le Vendômois et l’Orléanais, Pouilly, Quincy, Reuilly — soit 2 500 échantillons.

    Présidé par Jean-François Liégeois, président de l’association des Œnologues Ligériens organisatrice du concours, le jury auquel j’appartenais devait noter à l’aveugle (bouteilles occultées par une « chaussette ») 30 vins de 2020 — 14 crémants de Loire blancs et 16 sauvignons blancs et gris du Val de Loire.

    Rappel: l’AOP Crémant de Loire c’est 150 000 hectolitres (20 millions b/an) produits par 320 producteurs, avec un rendement soutenu de 75-80 hl/ha, sur les appellations Anjou, Saumur (majoritaire) et Touraine. Cépages: chenin, chardonnay, cabernet franc, pineau d’Aunis. Méthode champenoise traditionnelle: après dégorgement, il fermente une seconde fois en bouteilles et se développe sur lattes un an minimum, puis vieillit en cave plusieurs mois.

    Les dosages en « liqueur » (sucre) varient de zéro pour le brut nature — dosage dont la radicalité doit être supportée par un corps et un temps sur lattes suffisants, sinon gare à l’amertume –, à 6-9 grammes pour l’extra brut et le brut, et à 12-18 grammes pour le sec. 

    Rapport Q/P exemplaire du Crémant de Loire

    Depuis plusieurs années on assiste à une recherche de finesse des crémants de Loire grâce à une élaboration accrue des assemblages qui permet de gommer l’effet millésime. L’ensemble des échantillons attestait d’une qualité plus qu’honorable, caractérisée justement par une finesse souvent présente — robe claire, cristalline presque translucide parfois, aux reflets jaunes, des bulles fines et présentes; nez délicat d’agrumes suaves, de fruits blancs, de fleurs parfois; bouche fraîche et tonique, aux saveurs souvent en accord avec celles du nez, de la gourmandise, avec fréquemment une finale longue et élégante.

    Nous avons attribué une médaille d’or au seul brut cabernet franc du lot. Cabernet franc, un cépage rouge ? Mais oui, comme pour le champagne dont les cépages principaux sont rouges (pinot noir, meunier) — sauf les blancs de blancs comme son nom l’indique (pinot blanc, arbane, petit meslier) –, un raisin rouge dont on sépare la peau sans la laisser macérer a une chair blanche. CQFD. C’était le plus opulent, harmonieux et complexe à la fois et sa couleur rosée très pâle ajoutait encore à son charme. Le nom du médaillé: Domaine de Saint-Maur Le Thoureil 49350 Tél: 02 4157 3024 (ci-dessous). Son prix: 7,50 € ttc.

    Le Domaine Saint-Maur en bord de Loire au Thoureil (Gennes-Val de Loire)

    Sur nos médailles d’argent, je ne peux donner plus de détails puisque les jurés ne peuvent connaître le nom des vins qu’ils ont élus et doivent se débrouiller avec le classement final en tentant de les deviner.

    Le volume de production des crémants de Loire augmente, en passe d’atteindre 20 millions de bouteilles/an. Ils sont produits sur 1 200 ha à part égale par les maisons (Gratien & Meyer, Ackerman, Langlois-Château, Veuve Amiot, Bouvet-Ladubay, etc.) et par quelque 300 viticulteurs, connus (Brézé, Chaintres, Soucherie, Varinelles, Richou, etc.) ou le plus souvent à découvrir. Les prix se maintiennent entre 6,50 et 8 € départ. C’est sans aucun doute cet avantageux rapport Q/P qui fait la différence avec les autres effervescents ligériens: selon une étude de la presse vinicole régionale, dans un contexte de confinement très compliqué en 2020 les effervescents d’appellation (par ex. Vouvray, Saumur, Montlouis*) ont tous vu leurs ventes baisser, alors que les crémants, eux, ont réussi à progresser de 1,5 % — soit plus de 56 000 b sur 3,50 millions écoulées au total pendant cette triste année bien maigre. Alors, concluait notre jury, mieux vaut un bon crémant (il y en a de plus en plus) qu’un mauvais champagne (il y en a trop).

    Des VDP aux IGP en Val de Loire

    L’appellation « Vins de Pays du Val de Loire » (VDP) a été remplacée en 2009 par « Val de Loire Indication Géographique Protégée » (IGP). Elle recouvre 4 200 ha sur 14 départements arrosés par la Loire et ses affluents, avec une production moyenne annuelle de 250 000 hl à 58% blanc, 21% rosé et 21% rouge. Cépages blancs: chenin, à la base de la grande diversité des vins de Loire; sauvignon blanc et gris, connu par le Sancerre et le Pouilly fumé; chardonnay qui rivalise avec le sauvignon; et groleau, pinot gris, folle blanche (gros plant), melon (muscadet).

    Sauvignon : la tendance d’aujourd’hui est de le préférer bien minéral, anguleux, odeur affirmée de buis et de pipi de chat, qui griffe le nez et vrille le palais, un sorte de vin punk. La recherche de doux, de fruité (agrumes, groseille à maquereau), d’asperge et de fenouil, on n’en est plus là : même les graves de Bordeaux les plus pétrolés sont hors du coup pour cause de compromission avec la suavité crémeuse du sémillon auquel il est assemblé. Alors du grand remplacement on en a eu, ça a embarqué ! Je me demandais si ce qui pouvait jusque là apparaître comme défaut, notamment l’identité variétale revendiquée, ne s’était pas inversé pour devenir gage de qualité — comme c’est le cas de certains vins nature où ce qui ne valait que d’être craché ou vidé à l’évier apparaît désormais comme signe d’authenticité du terroir et affirmation existentielle du vigneron.

    Sur les 16 échantillons 2020 de sauvignon 100% blanc et gris que notre jury devait noter, je suis à nouveau incapable de savoir quels vins nous avons médaillés en argent et en bronze (nous n’avons pas attribué de médaille d’or). On ne pourra donc pas soupçonner le très sérieux comité d’organisation d’une quelconque collusion entre vignerons et jurés ! Message aux organisateurs: une fois accompli notre travail de notation et la remise de nos fiches signées, on pourrait tout de même nous laisser retirer les « chaussettes » pour découvrir les bouteilles médaillées ou non, quitte à nous engager à ne pas divulguer nos résultats avant publication, d’ailleurs extrêmement rapide, le soir même. À bon entendeur…

    Le jury du président J. F. Liégeois (masqué à droite) avec Mathilde Favre d’Anne (masquée à gauche), sommelière du ‘loft culinaire’ du même nom à Angers (1* Michelin) et votre serviteur.

    Rencontré à la sortie, le tonique Fabrice Benesteau qui au côté de son épouse Clarisse, conduit avec beaucoup d’énergie et de succès le Domaine de la Tuffière à Lué-en-Baugeois. Il avait réussi non sans mal à convaincre son jury d’attribuer une médaille d’or au bonnezeaux 2018 Les Petits Quarts (Jean-Pascal Godineau), peut-être le meilleur grand liquoreux de Loire actuellement à côté des fameux quarts de Chaume: il n’y a pas qu’à Sauternes ou en Alsace que les liquoreux peinent à être reconnus ou tout simplement bus : où allons-nous ? L’or (des raisins mûrs) ne serait plus l’étalon ?

    ÉMOUVANT HOMMAGE DU CONCOURS LIGERS À JACQUES PUISAIS

    Minute de silence à la mémoire de Jacques Puisais au concours des LIGERS — La séance des dégustations avait commencé dans le recueillement lorsque le président Jean-François Liégeois a demandé aux 200 dégustateurs d’observer debout une minute de silence en hommage au maître Jacques Puisais, décédé de la Covid-19 le 6 décembre 2020 à 93 ans.

    Œnologue spécialisé en chimie et écrivain, Jacques Puisais était un visionnaire combattant pour l’apprentissage du goût en particulier celui du vin — qui doit selon lui avoir la « gueule de l’endroit où il est né, et les tripes de celui qu’il l’a fait, » son fameux leitmotiv prémonitoire, inspirateur de la viticulture bio et naturelle.

    Je l’avais rencontré en 2006 à Saumur à l’issue de la présentation du premier vin indien du producteur de ce pays, United Breweries — qui venait de racheter la maison Bouvet-Ladubay (reprise en 2015 par la famille propriétaire Monmousseau.) Jacques Puisais était assis seul au milieu de la scène et le dégustait, placide, en monologant avec son verre. Pour lui un vin était un personnage qui doit raconter une histoire. Puis il parlait de son cher compagnon le chenin « qu’il faut boire dans un verre à pied, à tenir par la jambe, pour l’élégance. » Je trouvais l’homme épatant, simple, pince-sans-rire, convaincant et si humain.

    Longtemps président de l’Union des Œnologues de France et membre de l’INAO (Institut National de l’Origine), c’est lui qui a créé à Tours l’Institut du Goût avec Patrick Mac Leod (alors directeur du Laboratoire de neurobiologie sensorielle de l’École Pratique des Hautes Études), présidé depuis 2018 par Natacha Polony. Cette journaliste s’est passionnée pour les « classes du goût », projet pédagogique fondé par Puisais dès 1974 pour apprendre aux enfants à goûter  leur nourriture en la nommant, à exprimer leurs sensations et s’émanciper des goûts factices et préfabriqués.

    En 2008 nous avons monté ensemble un voyage-dégustation ‘Mtonvin’ à Chinon. Puisais avait reçu chez lui une vingtaine d’entre nous au lieu dit l’Olive qui est aussi un Clos (Couly-Dutheil) où nous avons passé deux jours merveilleux, profitant de son savoir — il nous avait fait une « dictée sensorielle », sorte de master class sur la connaissance du goût. De son savoir-vivre — visite de domaines de Chinon et de La Devinière, la maison de Rabelais. De son savoir-faire — en tablier de cuisinier il avait rôti à la broche une gigue de chevreuil dans l’âtre d’un ami viticulteur, qui pour l’occasion avait remonté un chinon 1959 de sa cave troglodyte. Et de son savoir-être — Jacques venait de ré-épouser son amour de jeunesse dont il s’était séparé 60 ans auparavant, une femme resplendissante dans la septantaine qui nous accueillait avec grâce, buste superbe, silhouette de liane et langue bien pendue. Heureux homme, heureux couple.

    En 2013 Jacques Puisais avait été convié à la 1ère édition de festival Musica Vini qui invite des musiciens à jouer après dégustation de vins présentés par leur vigneron et que le public déguste pendant les concerts. Premier arrivé dans la grange, complet bleu pétrole, il était intervenu avec humour en présentant un coteaux du Layon Chaume 1er cru du Domaine Gaudard (Pierre Aguilas) avec le duo baroque Arnaud de Pasquale (clavecin) Jérôme van Waerbeke (violon) ; le Saumur du Clos Cristal (Eric Dubois à l’époque) avec le guitariste équatorien Patricio Cadena Pérez ; et le chinon du Domaine de Noiré (Max Manceau) avec le trio du peintre et batteur Daniel Humair, dont le jazz libre lui rappelait celui, fondateur, de la Nouvelle-Orléans.

    Daniel Humair (gauche) et Jacques Puisais au festival Musica Vini, au Hameau de Bellebranche à St-Brice (Mayenne) le 25.08.13 – Paul Cerni (†)

    Nous garderons en tête ses formules « je goûte, donc je suis », « avaler sans goûter n’est que ruine du palais » ou encore « tu es ce que tu manges. » Comme le mentionnait Laure Gasparotto (Le Monde 11.12.20), Jacques Puisais pose cette question** dans le dernier post de son blog Le goût juste : « “que sommes-nous venus faire sur cette Terre”? La réponse me paraît facile : apprendre, apprendre pour aller vers la connaissance d’un mystère et non pas seulement se contenter de savoir, ni de se servir avant de servir. »

    Témoignage de Jackie Rigaux (publié sur le blog Les 5 du vin).

    * Montlouis pétillant : qu’est-ce que le dégorgement sauvage ?

    ** qui pourrait être aussi celle d’un Bruno Latour — cf. ses livres Où suis-je ? et Où atterrir ?

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  • JACQUES PUISAIS ANIME ‘MUSICA VINI’

    par Daniel J. Berger | Août 18, 2013

    MUSICA VINI — un après-midi de concert-dégustation, dimanche 25 août prochain de 15h à 19h sur le site de l’ancienne abbaye cistercienne de Bellebranche à Saint-Brice (Mayenne), à 10 km de Sablé-sur-Sarthe. TROIS VINS de Loire — Coteaux du Layon-Chaume, Saumur-Champigny, Chinon —, vont inspirer TROIS ORCHESTRES — baroque, instrumental, jazz, intermèdes par JACQUES PUISAIS (ci-dessous). PORTRAIT d’un maître du goût.

    La première édition de Musica Vini doit beaucoup à ce savant du goût, ce Sage de l’univers sensoriel. C’est en allant le rencontrer et discuter avec lui à Chinon à plusieurs reprises que l’idée a germé, en l’écoutant expliquer que la dégustation du vin fait appel aux cinq sens — vue, odorat et goût bien sûr; toucher aussi, par le verre; ouïe quelquefois, quand on écoute pétiller les vins effervescents. Mais la plupart les vins sont « tranquilles », sans bulles. Alors pourquoi ne pas leur associer l’ouïe plus étroitement, en écoutant de la musique ? La rencontre vin et musique prenait forme, le projet Musica Vini était né. (suite…)

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  • TROIS QUESTIONS À… JACQUES BERTHOMEAU

    par Daniel J. Berger | Jan 4, 2010

    DANIEL J. BERGER

    berthomeau

     

     

    Jacques Berthomeau (ci-contre) est le premier et le seul blogger à publier en France un billet quotidien.

    Son rapport « Cap 2010 » sur le développement du vin français l’avait fait connaître du public en 2001.

    Nous avons posé nos trois questions à cet homme d’expérience, cet homme d’intelligence des mots, écrits et parlés.

     

    Question 1 — Nous sommes en 2010, soit le cap que votre rapport avait fixé pour la réforme du vin français, rapport qui a tourneboulé la vinosphère hexagonale
 et vous a rendu célèbre. Avez-vous le sentiment que vos préconisations ont été entendues ?

    Jacques Berthomeau : Une précision, Cap 2010 est une œuvre collective, une note stratégique signée par six personnalités incontestables* du monde du vin, et moi. Sans flagornerie, elle n’a pris aucune ride et mon petit doigt me dit qu’avec la nouvelle donne de l’OCM Vin, les AOP-IGP** et les Vins sans Indication Géographique, tout le monde se rallie à nos propositions.

    Reste à mettre les actes en conformité avec le nouveau discours en répondant clairement, pour certaines grandes appellations — Bordeaux, Côtes-du-Rhône, Languedoc et d’autres —, à la question: sommes-nous une AOP ou une IGP ? Sans ce choix clair, la segmentation de notre ressource vin restera floue et le concept d’AOC en pâtira. J’espère que nous ne mettrons pas dix nouvelles années pour nous décider. Comme les dix dernières ont été qualifiées par nos amis anglais de «décennie de châtiment », je reste optimiste.

    Q 2 — Votre blog est le seul en France à publier quotidiennement un ou plusieurs billets sur le vin. Combien avez-vous d’abonnés ? … (suite…)

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  • ANJOU: LA PAULÉE PREND DE L’AMPLEUR

    par Daniel J. Berger | Juil 27, 2022

    lI y a un mois au château de Saumur, la « Paulée de l’Anjou » fêtait son 10ème anniversaire. Cette manifestation créée par un collectif de vignerons ambitieux veut faire mieux comprendre l’histoire, la géologie et les modes de viticulture angevins. En recomposant progressivement la province de l’Anjou historique groupant « Anjou blanc » (bassin parisien, sols de tuffeau calcaire) et « Anjou noir » (massif armoricain, sols de schistes et grès). Une vraie dynamique fédératrice. Nous en étions.

    Historiquement, la « paulée » — la dernière « pelle » versée au pressoir, terme d’origine bourguignonne — a d’abord été synonyme de repas de fin de vendanges. Et l’occasion pour les viticulteurs de goûter à la bonne franquette leurs bonnes bouteilles respectives jusqu’à tard dans la nuit.

    D’abord vernaculaire, la pratique de la Paulée s’est transformée parfois sous d’autres noms et à d’autres dates que celles des vendanges, avec un même objectif: promouvoir l’extraordinaire variété des terroirs viticoles français en en faisant déguster les vins aux professionnels — importateurs, sommeliers, cavistes, restaurateurs et bars à vins, journalistes spécialisés, etc.

    Les engagements du collectif de la Paulée d’Anjou consignés dans une charte, précisent ses valeurs d’ouverture d’esprit et d’aide aux jeunes viticulteurs, sa mission de viticulture responsable et durable (bio et biodynamie). L’année dernière les vignerons de Bourgueil ont rejoint la Paulée montant à plus de 90 le nombre de ses membres*. Réunis en plein air autour de grandes tables de dégustation collective remplaçant le modèle une-table-un-vigneron, ils ont cette année mis à l’honneur ensemble les monocépages emblématiques de la région : chenin blanc et cabernet franc (rouge).

    La Paulée d’Anjou 2022, réussite joyeuse qui a débuté par un traditionnel lancer de chapeaux par les 91 vignerons qui l’ont organisée eux mêmes

    Pour ma part j’ai apprécié, entre autres, le savennières Clos du Papillon du Domaine du Closel, qui produit des « vins de lieu accompagnant le chenin dans sa capacité à exprimer un paysage dans sa diversité de terroirs et de climats [en prenant en compte] les saisons, le cycle de la lune, le jour et la nuit, la géologie, la lumière, la Loire, les coteaux de schiste et les coulées. » (Ouf). Un programme exemplaire.

    Et aussi le blanc sec du Clos des Treilles, « modèle d’une viticulture héroïque héritée de Jo Pithon » travaillée sur un coteau très pentu et le liquoreux des Rouères tous deux du Domaine Berlargus (prix astronomiques); également le Coteaux de l’Aubance du Domaine de (la) Haute Perche, récemment repris; bien sûr la Coulée de Serrant 2020 qui après juste huit mois de fût de bois vieux apparaît déjà mûr; et enfin le cabernet franc Gondwana du domaine de Fosse Sèche sorti hors appellation (en « Vin de France », à 50 € quand même).

    Ancrage culturel
    La nouveauté de 2022 était une conférence voulant bien marquer la dimension culturelle des vins d’Anjou, sous l’égide de l’académicien Eric Orsenna, membre de l’académie du vin de France. Avec comme invité le journaliste anglais Andrew Jefford, l’un des premiers à avoir pressenti la renaissance de l’Anjou viticole. Ainsi que le vigneron-chroniqueur Patrick Baudouin à Chaudefonds-sur-Layon; la sommelière française qui fait paraît-il la pluie et le beau temps à New York, Pascaline Lepeltier; et la spécialiste des paysages à l’Unesco, Myriam Laidet.

    Avec son agilité intellectuelle légendaire, Erik Orsenna a annoncé que si on lui avait proposé après les dernières élections le ministère de la culture, il aurait répondu préférer celui de l’agriculture, soulignant que la viticulture est aujourd’hui à l’avant-garde de la modernité: en effet, la diversité des sols et des terroirs notamment angevins provoque l’emballement de quelque 150 startups. Il a prédit la fin du climat tempéré (« il n’y a plus de classe moyenne climatique »). Et a encouragé les vignerons de la Paulée à tisser une histoire et une géographie — « des lieux, des liens, des personnes » prenant Jacques Puisais comme modèle.

    Eric Orsenna en parrain

    Pascaline Lepeltier la sommelière française, star à New York City depuis 2009, confirmait que les amateurs et professionnels de Big Apple et plus largement des États-Unis sont « prêts à écouter les histoires des vins d’Anjou qui bénéficient en outre d’un très bon rapport qualité/prix. »

    Remarque d’entrée d’Andrew Jefford, s’exprimant en français: « on manque dans le monde de blancs secs de rêve », vineux, complexes, et ceux d’Anjou « ont la capacité d’accéder à ce statut. » Avec une signature du sol, volcanique par exemple, en se comparant à l’Alsace ou à St-Chinian qu’il connaît bien (il vit en Languedoc depuis 2010). Il a insisté sur l’incroyable richesse culturelle du vin d’Anjou, déjà cité par Shakespeare par exemple dans King John / Le Roi Jean (siège d’Angers alors anglaise, assiégée par Louis le dauphin de France). Il a conclu en constatant le problème des appellations, qui doivent être réformées.

    Relayé sur ce point par Patrick Baudouin, ancien libraire adepte depuis longtemps de la décroissance heureuse, installé d’abord sur quelques hectares en Layon légués par son grand père. En à peine deux décennies, il a produit des secs et des moelleux de haut niveau. Cet apôtre d’une œnologie de progrès, prophète de la renaissance de l’Anjou est un ardent soutien de la réforme des appellations — qui « doivent désormais inclure des critères de notre temps » comme la notion de biotope, et « intégrer les enjeux plus larges de la viticulture et du vin. »

    Myriam Laidet, géographe longtemps en lien avec le centre du patrimoine mondial de l’Unesco, qui termine une thèse de doctorat sur le paysage viticole et sa valeur culturelle, estime que la douceur des paysages de l’Anjou (chemins et pentes, la Loire à Saumur et à Angers, les châteaux en bord de fleuve), appréciée dès le XVIIème par les négociants hollandais, est l’un des atouts majeurs pour la promotion de ses vins. Plus encore, le mariage vigne et jardin (les clos, les vignes au pied des châteaux) rare en Europe, conduit naturellement l’amateur à « boire du paysage. »

    Perspectives ligériennes
    L’édition 2022 a été une joyeuse réussite avec plus de 500 participants de 15 pays, clôturée par un repas gastronomique préparé par trois chefs angevins, Pascal Favre d’Anne, David Guitton et Mickaël Pihours. Concernant l’avenir de la manifestation, nous avons posé quelques questions à l’un des trois co-présidents de La Paulée d’Anjou, Ivan Massonnat (photo ci-dessous ©Jim Budd), créateur du magnifique projet multi terroirs angevins Belargus.

    À SUIVRE…

    ___________________________

    * Initialement 37 appellations, de Saumur, des coteaux de Loire (Savennières) et de l’Anjou (Layon, Aubance, Quarts de Chaume, Bonnezeaux, Anjou blanc).

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  • LE SIÈCLE DE BAILLIENCOURT À CHÂTEAU GAZIN

    par Daniel J. Berger | Déc 7, 2018

    DANIEL J. BERGER

    Château Gazin est l’une des plus anciennes propriétés de Pomerol, remontant aux Chevaliers de l’Ordre de Malte au début du XIIème siècle. Ancienne halte des pèlerins en marche vers Saint Jacques de Compostelle au Moyen Âge, les bâtiments du château actuel seraient implantés à l’emplacement de l’ancien hospice des Chevaliers, dont la croix à huit pointes est restée attachée au vin de Pomerol et en tout cas à Château Gazin.

    Croix Malte Gazin

    Les éditions Féret de Bordeaux publient un recueil sur ce domaine dont l’histoire est longue et celle des propriétaires actuels déjà centenaire, depuis ce jour de 1918 où leur ancêtre a acquis le vignoble, l’un des plus étendus de Pomerol.

    Les Bailliencourt, l’une des plus anciennes familles françaises originaire d’Artois*, ont développé leur vignoble de 24 ha d’un seul tenant, face au célébrissime Château Petrus — auquel ils ont jadis vendu 4,5 hectares pour raisons de succession.

    Nicolas de Bailliencourt

    Nicolas de Bailliencourt qui veille avec son frère et leurs deux sœurs aux destinées du domaine, est l’un des parrains de ce blog depuis sa création : nos voyages-dégustations ‘Mtonvin’ ont inclus plusieurs visites de leur propriété délicieuse de simplicité et de proportions, distinguée comme leur vin — en reprenant la formule de Jacques Puisais, à l’image des gens qui le font**.

    Le travail technique des Bailliencourt sur la vendange, de tout temps récoltée à la main, s’est modernisé progressivement jusqu’à la mise en pratique de la viticulture biologique aujourd’hui.

    À Pomerol, seule grande AOP du bordelais sans classement, Château Gazin peut être rapproché d’un 3ème Grand Cru Classé du Médoc, ou d’un 1er GCC de St-Émilion. Depuis le XVIIIème siècle, la commune de Pomerol est cultivée en vignes au 4/5ème de sa superficie — 813 hectares sur un plateau de 4 x 3 km mitoyen de Saint-Émilion et limité par le ruisseau la Barbanne et par l’Isle, affluent de la Dordogne, qui crée un microclimat. Le merlot est planté à plus de 80%. La surface moyenne des quelque 120 propriétés avoisine 5,5 ha : Château Gazin est donc l’une des plus vastes.

    Chateau-Gazin

    Château Gazin est un grand Pomerol, d’un pourpre-grenat intense, au nez épicé exhalant des notes de sous bois et de gibier. L’ouvrage énumère avec zèle les nombreuses nuances en bouche « prune, chocolat, café, réglisse, cèdre, encens, amande, pain grillé, tabac, vanille, violette, menthe, » n’en jetez plus, le meilleur sommelier du monde s’y perdrait. À sa maturité, une vingtaine d’années après mise en bouteille, on peut même y reconnaître des notes de truffe émanant de l’argile bleue et de l’oxyde que contiennent les fameuses crasses de fer (terre noire) qu’on trouve ici dans le sol des graves communes au bordelais.

    On a affaire à un Monsieur, qui vous jauge de sa hauteur et ne se laisse amadouer que les jours où il est disposé à vous raconter son histoire. Il change peu et sans à-coups (c’est nous qui sommes changeants), restant jeune un moment et mûr longtemps.

    Le 2ème vin, l’Hospitalet de Gazin, issu des jeunes vignes, se boit plus tôt et se goûte mieux que le 1er vin tant qu’il n’est pas arrivé à maturité.

    Bouteille Gazin 1975

    Je me souviens encore de ma première bouteille de Gazin, un 1975 payé 25 francs en 1979, l’équivalent de 11 € (cf. tableau de conversion 2010 de l’INSEE tenant compte de l’inflation relative), prix élevé à l’époque, mais bien moins qu’aujourd’hui puisque le 2016 s’achète entre 85 et 90 € (Gazin exporte sa production à 90%, le marché français ne répondant plus à de tels niveaux de prix).

    Même si depuis les années 70 le vin a beaucoup évolué en ampleur aromatique, en finesse et en souplesse, je retrouve à chaque nouvelle dégustation mon impression première, un concerto de saveurs racées suscitant à la fois plaisir et respect, maintaining decorum comme disent les Anglais. Un vin de grandes occasions, à déboucher au moins trois heures à l’avance, dont on attend l’arrivée sur la table comme le couronnement du repas.

     

    Le conseil donné page 60 est de faire du grand vin comme de l’Hospitalet des « partenaires naturels » des viandes rouge et blanche, du gibier, du foie gras, de la truffe et au dessert, des gâteaux d’amandes et des fruits rouges et noirs.

    Ce précieux petit livre brille par sa clarté, sa rigueur, sa qualité documentaire au plan historique, en se gardant de l’impressionnisme lyrique, souvent pratiqué lorsqu’il s’agit d’évoquer un grand cru.

    * qui remonterait à Lothaire, roi des Francs (941-986); et « dit Courcol », ainsi nommé après faits de bravoure d’un lointain ancêtre à la victoire de Bouvines (1214) ou à la défaite de Crécy (1346).
    La famille de Bailliencourt dit Courcol est évoquée par Maurice Druon dans Les Rois maudits; et par Marguerite Yourcenar dans Souvenirs pieux, qu’elle décrit comme aïeux du côté paternel (édition Folio pp. 100, 101 et 102).

    ** J’aime que le vin ait la gueule de l’endroit et les tripes de l’homme, dit le vice-président de l’Institut du Goût.

    Chateau Gazin

    CHÂTEAU GAZIN, Collection Châteaux et Domaines, FÉRET, octobre 2018, 64 p. 9,50 €

     

     

     

     

     

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