DANIEL J. BERGER

lincolnLincoln Siliakus vient de s’en aller pour de bon et sans prévenir.
Né en Angleterre et aussitôt embarqué en Australie où il a vécu les premières années de sa vie, l’homme à l’
Akubra en feutre, le chapeau de son pays dont il ne se séparait jamais, après de longs séjours en Tasmanie, à Hong Kong et ailleurs toujours loin, avait finalement fait sienne la patrie de son épouse, la France.
Juriste international spécialisé dans les questions d’environnement,
il s’était il y a vingt ans découvert la passion du vin, ce qui l’avait conduit à devenir
blogger.
Un grand salut Lincoln !

 

Dans son goût du vin, qu’il n’imposait jamais, Lincoln avait à la fois de l’élégance, une curiosité intacte qui l’avait doté d’une grande connaissance des crus de la planète, avec un esprit tout aussi organisé (pouvant mettre en relation un vin jaune, un barossa et un vinho verde) que flexible (donnant l’impression de pouvoir modifier ses avis), et un sens du paradoxe parfois polémique. La politique française l’intriguait : avant d’entamer son activité de reporter du vin, il chroniquait à l’intention de ses amis répartis sur le globe les péripéties de la politique hexagonale sur laquelle il portait un regard candide et stupéfait.

solexlinc2Il s’était fait connaître du mundillo du vin par ses virées en Solex (modèle 1968) dans les vignobles de Bourgogne et du Rhône, explorations qui l’avaient mené à créer le blog Vinosolex. Il faisait effort pour écrire en français, ce à quoi répugnent ses confrères britanniques (exception faite de l’impeccable David Cobbold), et était apprécié de ses amis journalistes. Lire son original Visages de Terroir—Portraits of Terroir, de Chablis à Sablet en Solex publié en 2009.

Marié à une femme charmante qui ne boit pas une goutte de vin, Anne Froger, spécialiste internationale de communication d’entreprise, profession qui le laissait sceptique (comme beaucoup d’autres choses), Lincoln avait réussi à ménager son activité de dégustateur professionnel sans heurts conjugaux. Il faut dire que les femmes l’appréciaient pour sa gentillesse, sa douceur et son charmant accent légèrement chuintant. Anne et lui avaient élu (joli) domicile à Sablet en vallée du Rhône méridionale où il aimait rayonner, connu et aimé des vignerons du coin, les Roumanille, Richaud et beaucoup d’autres de l’AOC Cairanne, et où ses cendres sont dispersées dans les vignes.

C’est aussi comme comme contributeur de ce blog (y trouver ses posts variés) et comme ami buveur de Mtonvin que son absence — après celles de Bruno Revault et de Robert Tixier-Guichard — se fera sentir, lui qui avait participé dès 2000 à nos premiers voyages-dégustations, et qui avait contribué au choix de notre 1ère cuvée spéciale en 2007. Pendant notre retour en voiture de ces visites exploratoires à Bordeaux, il avait placé Water Babies dans le lecteur CD et nous faisait re-déguster l’un après l’autre les échantillons collectés. Peu savaient son amour du jazz : peut-être a-t-il écrit sur la conjugaison de la musique et du vin car il était lui aussi Musica Vini

FIN