DANIEL J. BERGER
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Georges Bardawil (photo) aime répéter qu’il s’était juré dans sa jeunesse de ne toucher ni au journalisme, ni à la restauration…
Et pourtant il a débuté à
Paris-Match, co-fondé Photo et créé L’Amateur de Bordeaux… Et créé les restaurants L’Atelier de Maître Albert, puis
La Photogalerie, mi restaurant, mi galerie de photos, avant de fonder L’Ecluse à Paris, le premier bar à vins (de Bordeaux), devenue une chaîne du même nom, qu’il a vendue (cinq établissements à Paris).

G. Bardawil a publié l’année dernière Une Promesse de vin, un livre-reportage illustré de photographies d’Isabelle Rosenbaum (chez Minerva éditeur). Il répond à nos 3 questions.
1 — C’est vous qui au début des années 80, avez créé L’Amateur de Bordeaux. Ensuite vous êtes resté silencieux sur le vin. Qu’est-ce qui a motivé votre Promesse de vin ?
L’idée m’en est venue en réaction au film de Jonathan Nossiter, Mondovino, qui m’a beaucoup agacé. Car il y développe une vision binaire et réductrice : Nossiter regarde le monde du vin un peu comme la guerre du Golfe, avec d’un côté la caricature un peu forcée de la troïka toute puissante Mondavi-Parker-Rolland, et de l’autre la « réalité » d’un vignoble français pratiquement réduit à deux vieux charmants messieurs tout à fait estimables, Hubert de Montille, avocat et vigneron bourguignon connu pour sa verve et sa truculence et Hervé Guibert, ex-industriel du gant à Millau et inventeur du vignoble Daumas-Gassac à Aniane dans l’Hérault…

Je connais Hubert de Montille, et aussi Michel Rolland dont j’ai acheté et vendu à l’époque des Ecluse, son Pomerol Bon Pasteur, son Fontanil, un Fronsac délicieux, et pas mal de Bertineau Saint-Vincent, pour moi l’un des meilleurs Lalande de Pomerol. Sans prétendre le défendre dans le rôle qu’il a pu jouer dans la « parkérisation », je le considère comme un grand professionnel et je trouve imméritée la charge que fait Nossiter à son encontre.

Surtout le film me semblait faire l’impasse sur un autre aspect du vignoble français, celui des vignerons qui font un peu partout des vins qui leur ressemblent, loin des breuvages à la mode, boisés et sur-maturés. C’est ce que j’appelle ce « 3ème côté de la barrière » que dans sa préface, Pierre Veilletet rapproche de la 4ème dimension, donc du 5ème élément…

Les vignerons choisis m’ont révélé chacun à leur manière, une façon de voir et de travailler leur terroir, qui m’a fait voir et boire leurs vins différemment. Après avoir entendu Claude Papin nous parler de la notion d’« ouverture d’horizon », on ne peut s’empêcher de retrouver au-delà de la minéralité de ses vins, la marque du vent qui aère son vignoble du Layon, son « terroir des courants d’air » comme j’aime à le plaisanter. Et pourquoi le vent ne laisserait-il pas autant de traces (bonnes) sur la vigne que celles (mauvaises) laissées par un excès de pluie ? Comment ne pas être sensible à l’infinie patience dont nous parle Jacques Puffeney (St-Sylvestre-en-Arbois, Jura), qui surveillera pendant douze, quinze et vingt ans l’évolution de son vin jaune ? Ou impressionné par le mélange de rigueur scientifique et d’inspiration poétique qui marque le travail d’un André Ostertag (Epfig, Alsace), ou par cet herbier des « plantes compagnes » que nous ouvrent Thérèse ou Michel Riouspeyrous, dans leur vignoble perché d’Irouléguy au pays basque ? Et par cette relation que chacun à leur façon entretient avec la biodynamie, certains allant jusqu’à la pratiquer dans le doute, sans rien dire à personne, même si les résultats sont pour eux aussi incompréhensibles qu’indéniables ?

2 — Vous qui avez longtemps travaillé dans le cinéma en collaborant à de nombreux scénarios, et qui avez vous-même réalisé un long métrage avec Sandrine Bonnaire et William Hurt, Confidences à un inconnu (1994), vous n’avez pas eu l’idée de faire un film « contre » Mondovino ?
Le projet à l’origine était de faire un film, puis, faute de pouvoir monter l’affaire assez vite, l’idée du livre a prévalu, et le film été remis à plus tard… En tout cas, il ne s’agissait pas d’un film contre mais au delà et différent. Le film de Nossiter n’est pas sur « le vin », « l’amour du vin », « l’univers du vin », « la magie du vin », mais sur un certain « monde du vin », « une mondialisation du vin contre laquelle  nous ne pouvons pas grand chose » tente-t-il de nous démontrer et il aurait pu tout aussi bien l’appeler Mondavi vino