MICHEL MARMIN

Les luttes politiques et les guerres civiles ont ceci de sympathique, en France, qu’elles se terminent toujours en chansons… à boire. Et plus elles sont féroces, plus l’on chante et l’on boit ! Certes, il est des façons plus sérieuses d’aborder l’histoire de France, mais il en est aussi de pires. On verra par les cinq exemples ci-après que les tièdes, les attentistes et les modérés ne sont pas au rendez-vous. Ils ne doivent boire que de l’eau… En effet, ce sont les extrêmes de l’arc-en-ciel politique français que l’on retrouve systématiquement dans les chansonniers. Les blancs et les rouges.

Côté blanc, la chanson inaugurale semble bien être « Vive Henri IV« , chantée du vivant du monarque au panache blanc et dont les royalistes firent quasiment leur hymne sous la Restauration. Ce n’est donc pas par hasard qu’on en entend l’air (parfois attribué à Roland de Lassus) dans « Le Voyage à Reims », le désopilant dramma giocoso composé par Rossini pour le sacre de Charles X.
Vive Henri IV
Vive ce roi vaillant !
Vive Henri IV
Vive ce roi vaillant !
Ce diable à quatre
A le triple talent
De boire et de battre
Et d’être un vert galant.

Un couplet plus significatif encore fut ajouté au XIXe siècle :
J’aimons les filles,
Et j’aimons le bon vin.
J’aimons les filles,
Et j’aimons le bon vin.
De nos bons drilles
Voilà tout le refrain
J’aimons les filles
Et j’aimons le bon vin !

Côté rouge, l’hymne fondateur est incontestablement le dernier couplet de « La Carmagnole ». La chanson fut écrite en 1792 sur un très joli air à la mode dont l’origine n’a pas été clairement établie. Il pourrait provenir d’un opéra-comique ou d’une comédie « meslée d’ariettes » comme Paris en produisait à foison en ces temps où les Français avaient toujours une chanson à la bouche.
Oui nous nous souviendrons toujours
Des sans-culottes des faubourgs.
A leur santé buvons
Vive ces francs lurons !
Dansons la Carmagnole
Vive le son, vive le son !
Dansons la Carmagnole
Vive le son du canon !

« Chénard, premier costume sans-culotte, octobre 1792 »
Tableau par Louis-Léopold Boilly (1792-93)