Le dernier salon Vinexpo, rendez-vous mondial du vin dont la 20ème édition s’est tenue du 13 au 16 mai dernier à Bordeaux, a laissé son public dans la perplexité : des changements importants sont en cours, ce salon incontournable ne le sera peut-être plus, en tout cas pas de la même façon.

Pourquoi vous parler de ce salon d’exposition mythique apparemment sur le déclin ? Parce qu’une journée passée à Vinexpo en vaut cent dans les vignobles à travers la planète. Le visiter est une expérience unique. J’y ai filmé des heures et des heures d’interviews, qui seront peut-être un jour diffusées. J’y ai vécu des jours et des jours à rencontrer des professionnels; à participer à des dégustations extraordinaires comme cette année avec Marc Almert, meilleur sommelier du monde 2019; à me perdre dans les travées-rues de cette ville éphémère et qu’on ne reconnaît plus d’une fois à l’autre, exténué mais heureux. Voilà pourquoi.

 

 

 

À gauche, Marc Almert, allemand, 27 ans, meilleur sommelier du monde 2019.
À droite, Olivier Poussier, français, 55 ans, meilleur sommelier du monde 2000 (à 36 ans).

 

 

 

Le temps est passé où le palais des expositions était relié au palais des congrès par une longue passerelle suspendue au-dessus du lac, et où une noria d’hélicoptères transportant des acheteurs et négociants d’une cinquantaine de pays allaient et venaient au-dessus des trois bâtiments gigantesques, desservis par des navettes de minute en minute et bordés de restaurants bondés. C’était ici, à Bordeaux-Lac, pendant quasiment une semaine, une véritable ville de 40 000 habitants, une ville de rêve où l’on pouvait rencontrer Indiens, Chinois, Australiens, Néo-Zélandais, nord et sud Américains, Européens de toutes nations (Europe Œnologie Les Verres *), et faire connaissance avec leurs innombrables vins pour un dépaysement garanti.

* formule imaginée par lesgerards.com

Un rêve de ville cosmopolite dont les habitants les plus représentatifs se retrouvaient à des dîners somptueux aux châteaux Haut Brion, Mouton Rothschild, Lafite ou, comme cette année Yquem, où le Conseil des Grands Crus Classés avait convié 400 invités dont Jamie McCourt ambassadrice des États-Unis, Bernard Arnaud (LVMH, propriétaire d’Yquem et de Cheval Blanc), Martin Bouygues (de Château Montrose), Eric de Rothschild (de Château Lafite), Frédéric Rouzaud (PDG de Roederer), Xavier Niel (PDG de Free), Thierry Breton ancien ministre de l’économie, Nicolas Florian nouveau maire de Bordeaux, Philippe Starck, Maximilian Riedel (les verres), ou encore Christophe Navarre (président du conseil de surveillance de Vinexpo), etc., etc.

Les choses doivent évoluer. Depuis les trois dernières éditions, la baisse du nombre d’exposants (à peine 1 600 cette année) et de la fréquentation depuis les trois dernières éditions a contraint les organisateurs à un changement profond de modèle. Même si les volumes d’affaires sont restés soutenus nous dit-on, on compte en moyenne 20 à 30% d’exposants et de visiteurs en moins lors des dernières éditions, qui ont lieu une année sur deux.
Mais, simultanément à ces baisses de fréquentation, Vinexpo est devenu un groupe international et une marque qui se décline sur trois continents, en Asie à Hong-Kong, à Tokyo et bientôt à Shanghai, aux États Unis à New York, et en Europe à Bordeaux et très bientôt à Paris. Pour devenir « le leader mondial des organisateurs de salons des vins et spiritueux » annonce Rodolphe Lameyse (droite), nouveau directeur général de 46 ans arrivé il y a un mois : « Vinexpo ne disparaît pas, il se démultiplie. »

Vinexpo en mutation à Bordeaux…
À partir de la prochaine édition en 2021, le salon va se devenir annuel en conservant des surfaces d’exposition importantes mais sans doute plus qualitatives, en offrant du « off », des conférences et symposia internationaux, des dégustations grand public telles les WOW! (World of Organic Wines, ci-dessous) très fréquentées, et des soirées select dans les châteaux. Et il se calera à l’époque des Primeurs en avril, moment traditionnellement réservé aux dégustateurs professionnels et aux acheteurs (4 000 cette année), pour devenir un vrai marché, une Semaine Mondiale du Vin — accord encore à trouver avec l’UGCB, l’Union des Grands Crus de Bordeaux et pour l’appellation, et avec la CCI de Bordeaux, propriétaire de l’appellation, comme celle de Vinexpo dont elle a été fondatrice en 1981 et aujourd’hui principale actionnaire.
Vinexpo opère donc une vraie mutation, passant d’organisateur de salon d’exposition à offreur international de contenus experts, dans un cadre régional d’œnotourisme. Cette stratégie de conquête est directement tournée contre le salon Prowein de Düsseldorf qui a réussi tranquillement à siphonner les clients de Vinexpo année après année.

… débarque à Paris
L’idée de s’installer à Paris a mis du temps à faire son chemin, se laissant souffler la priorité par le groupe Wine Paris, fusion récente des salons Vinisud et Vinovision, avec lequel Vinexpo vient de sceller une alliance. Grandes manœuvres : Wine Paris et Vinexpo vont tenir salon commun du 10 au 12 février 2020 prochain Porte de Versailles : « cette initiative collective est attendue par la filière vin et spiritueux » assure Rodolphe Lameyse. C’est aussi une manière de « bordurer » la concurrence « en lui adressant un signal fort, la création du premier grand rendez-vous à Paris des professionnels du vin du monde, confortant le savoir-faire incontestable de la France en matière de culture viticole et renforçant son rayonnement à l’international. » Cocorico, qu’on se le dise !

Ouverture sur les États Unis
Les USA sont le premier marché mondial de consommation. Vinexpo veut y être et s’y développer avec des offres exclusives comme One to Wine Meetings, service gratuit de rendez-vous commerciaux programmés avec des visiteurs qualifiés, ou WOW!, espaces d’exposition et de dégustation dédiés exclusivement aux vins bio et biodynamiques, qui ont eu un bon succès à Bordeaux.

La 2ème édition de Vinexpo a eu lieu à Manhattan en mars, accueillant l’Argentine, l’Autriche, la France, l’Allemagne, la Grèce et l’Italie ainsi que le Portugal, la Russie, l’Afrique du Sud, l’Espagne et les USA, et pour la 1ère fois, la Chine, la Roumanie et la Serbie.

Explorateur intercontinental
On aura compris que Vinexpo veut cesser d’apparaître comme un rentier bordelais, même en en cure d’amaigrissement, mais bien plutôt comme un explorateur intercontinental. Le groupe a créé Vinexpo Explorer, événement itinérant dont la dernière édition s’est tenue à Sonoma en Californie. La prochaine sera en Beaujolais fin septembre.
Quant à l’Asie, Vinexpo Tokyo se tiendra au 2ème trimestre 2019 et Vinexpo Shanghai, allié au géant chinois Alibaba, en octobre de cette année.

Alors mesdames, on y croit ?

 

 

 

 

 

 

Crédits photo Philippe Labeguerie, Jean-Bernard Nadeau