Nous voici arrivés au dernier vignoble de notre voyage-dégustation à Bandol, le Domaine de Terrebrune à Ollioules, créé il y a 55 ans ex nihilo et conduit depuis sans faillir, avec une lucidité et un sens visionnaire exceptionnels.

Domaine de Terrebrune

DOMAINE de TERREBRUNE 15.10.18 15h

En 1963 Georges Delille sommelier renommé diplômé de l’école hôtelière de Paris, visite la côte provençale et repère une petite bastide perdue au milieu de 7 hectares de vieux oliviers et de vignes abandonnées dont l’unique attrait est son appellation Bandol.

Il est séduit et l’achète. Car il voit que toutes les composantes d’un grand terroir sont là, un cailloutis de calcaire bleu dans une argile brune qui va donner bientôt son nom au domaine. Cette couche d’argile de 1 à 2 mètres enveloppe directement la roche mère. Et les fissures du calcaire permettent aux racines de la vigne de descendre profondément là où elle va puiser ses éléments nutritifs, tout en régulant son alimentation en eau. Le sommelier décide de créer un vignoble digne de ce nom en transformant les lieux de fond en comble. Il ne va pas se tromper, il sait qu’il pourra produire ici des vins de gastronomie pour les grands (et moins grands) restaurants, des vins aromatiques, généreux, puissants, avec de la minéralité, de la finesse et de la longueur, des beaux vins de garde : à Bandol à cette époque, ce n’est pas encore l’habitude.

Vont alors se succéder terrassements, restauration des restanques, soin des sols avant plantation des mourvèdre (85%), grenache (30%) et cinsault (15%). En 1975 on creuse la chai en sous-sol pour permettre aux vendanges de se déverser par gravitation sans pompage, et d’y loger progressivement huit cuves de 7 000 litres. Plus de dix ans d’effort vont être nécessaires pour que soit pleinement réalisé le domaine initial de Georges Delille.

Georges Delille et son fils

C’est en 1980 que débute la commercialisation des premières bouteilles, année où son fils cadet Reynald (ci-dessus à gauche avec son père Georges) rejoint le domaine après ses études d’œnologie. Il sera suivi quinze ans plus tard par son frère aîné Erick. On emploie les meilleures pratiques labours à la charrue, piochage et taille à la main, effruitage et ébourgeonnage, traitements respectueux de l’environnement sans produits chimiques, aboutissant en 2008 à la certification AB (Agriculture Biologique) : cela n’a pas été difficile, la discipline du bio était en place depuis le début.

La superficie du vignoble a été multipliée par quatre, couvrant maintenant 30 ha en AOC Bandol avec un rendement de 35-40 hl/ha (une bouteille par pied de vigne), pour un volume annuel moyen de 120 000 bouteilles. C’est désormais Reynald qui dirige l’exploitation, assisté par l’incontournable œnologue de Bandol, Daniel Abrial, rencontré il y a quelques heures à La Tour du Bon. Au milieu des vignes s’est ouvert un restaurant dont la carte offre des accords mets-vins recherchés. À 90 ans le fondateur continue sa tournée des restaurants clients de Terrebrune qu’il a conquis, il y en a 700 !

Georges Delille ne s’est pas trompé, ce domaine est aujourd’hui une réussite, celle de toute une vie.

Ci-dessous le commentaire poétique que l’on peut écouter sur le site www.terrebrune.fr

Le ciel rythme le travail. Le vigneron défie le temps. Des sillons de labeur se gravent dans le sol. Au gré des rangs de vignes, le vigneron fait ses gammes. Le récital se donnera dans la cave. Une symphonie se joue chaque année. Chef d’orchestre, le vigneron doit conduire à la parfaite harmonie. Son idéal : tendre vers l’absolu plaisir du goût et des saveurs ludiques que peut exalter un vin bien pensé et bien construit. Toute fausse note est fatale et aucune concession n’est possible pour arriver à ses vins. La nature fait le principal, le vigneron fait le reste et s’accorde avec les éléments pour créer une œuvre authentique, dont la noblesse ne peut exister sans le courage et la passion. Le vin s’en nourrit et le vigneron s’en imprègne. Écoute, respect, sincérité le mènent aux confins de son vin. Terrebrune c’est une communion entre un sol, un climat et un cépage, une terre de passion et de patience. Au fil du temps, le vigneron modèle son domaine, au fil des saisons il élabore un millésime, au fil des millésimes il révèle son terroir. Ainsi l’histoire s’écrit, un vin se réalise. Après plus de cinquante ans, le rayonnement de Terrebrune exprime sa vérité, un parfait équilibre d’esprit, de cœur et de corps. (Ci-dessous, le vignoble de Terrebrune devant la mer).

 

DÉGUSTATION

les étiquettes du Domaine de Terrebune

Depuis le millésime 2012 les étiquettes du Domaine de Terrebune mentionnent Terroir du Trias, marnes diversifiées situées sur une rare zone d’affleurement du fond marin remontant à 200 millions d’années. Des sables et des argiles riches en gypse et en sels minéraux s’y sont déposés,confèrant aux vins des trois couleurs des notes minérales inégalables, particularité revendiquée par les Delille comme une caractéristique d’excellence.
Les bouteilles ci-dessus étaient ouvertes depuis plusieurs jours, sans aucun dommage pour les vins de notre dégustation (même constat qu’à Canadel, voir posts précédents).

Rosé 2014 AOC Bandol (60% mourvèdre, 10% grenache, 5 % cinsault)
Ce vin de quatre ans est fruité (agrumes), floral (violette) et minéral (fraîcheur), sans acidité agressive. Il nous réconcilie avec les rosés que nous avons plutôt dédaignés au cours de notre voyage-dégustation, c’est un vrai vin tout simplement. 25 € (prix départ propriété).

Rosé 2017 AOC Bandol
Même appréciation que pour le précédent, en plus retenu et moins vineux, avec des arômes d’agrumes et d’abricot sec, et de fines saveurs épicées. 17,50 €

Blanc 2017 AOC Bandol (50% clairette, 20% ugni blanc, 20% bourboulenc, 5% rolle (vermentino), 5% marsanne)
Couleur jaune or. Nez de fruits, de fleurs avec un peu de sel. Attaque nette et ronde avec une jolie minéralité. 10-15 ans de garde. 19,50 €

Rouge 2015 AOC Bandol (85% mourvèdre, 10% grenache, 5% cinsault)
Vin déjà structuré et charpenté mais trop jeune, dont les arômes pas encore assez évolués de fruits noirs, de réglisse et de cacao laissent présager un belle maturité vers 2020.
L’assemblage à 85% mourvèdre, cépage noble à petits grains d’origine espagnole à peau très dense qui confère aux vins leur structure tannique et leur grand potentiel de garde, est le fruit de la réflexion des Delille père et fils, qui ont jugé que des qualités du terroir du Trias de Terrebrune résultaient des rouges d’une finesse certes inégalée à Bandol, mais qui devaient ne pas brider leur puissance au profit de la légèreté. 28 €

Rouge 2013 AOC Bandol (idem)
Les fruits noirs ont évolué, une dynamique d’heureux contrastes est apparue, la forte concentration tannique s’est apaisée, dégagée de la « bestialité » dont parlait Jim Harrison et que mentionnent volontiers certains chroniqueurs américains à la recherche de naturel ou d’organic qu’évoquent en bouche les notes de chair et de cuir, de truffe, d’épices qui résident dans ce vin mâle. 34 €

Rouge 2008 AOC Bandol (idem)
Dix ans ! C’est l’âge requis pour accéder à l’équilibre et la finesse, en un mot la noblesse, et nous y sommes : « le nez révèle des notes d’eucalyptus, de cèdre et de cassis. L’attaque souple et la matière très fine témoignent d’un beau travail sur les tannins. Avec ses notes de cerise et de café, ce bandol a un côté dentelle, plus fin que puissant. » (Guide Gault et Millau). 45 €

Du 2007, que nous n’avons pas dégusté, Michel Bettane disait déjà : … constante réussite des rouges de Terrebrune qui bénéficient d’une viticulture vraiment idéaliste. Les propriétaires conservent et vendent de vieux millésimes dont le somptueux 2007, expression sublime des épices du mourvèdre arrivé à pleine maturité. NC

Les participants à ce voyage-dégustation de La Londe-les-Maures à Bandol étaient Odette-Marie Bernier et Etienne Julienne, Geneviève Le Caër, Patrica Zolty, Bully et Daniel Berger, Danièle et Jean-Jacques Lobel, Helen et Charlie Mangani,

À SUIVRE: RE-DÉGUSTATION DES 5 BANDOL ROUGES 2015 VISITÉS