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  • DE LA LONDE-LES-MAURES À BANDOL (2/6)

    par Daniel J. Berger | Déc 17, 2018

    Après une excursion mi-octobre à La Londe-les-Maures pendant deux jours , nous avons poursuivi notre visite sur le territoire de Bandol. Ce voyage-dégustation avait pour but de mieux connaître les rouges et les blancs de cette partie de Provence, dont la production et la réputation se trouvent souvent occultée par celles des rosés devenus carrément envahissants.

    Relisons ce qu’écrivait le journaliste David Cobbold en 2001 : L’âme du vin de Bandol contient toute la force d’un décor magnifique. Grâce aux efforts d’une poignée de vignerons visionnaires, le meilleur de la production s’est concentré sur de grands vins rouges de garde, laissant les rosés aux estivants. Le cépage mourvèdre d’origine espagnole en est la marque, qui opère dans ce climat privilégié une osmose parfaite, arrivant à maturité sans perdre son caractère droit, gage d’une grande capacité de vieillissement : en cela les meilleurs Bandol n’ont rien à envier aux Bordeaux ou Bourgogne (Bandol, collection « Autour du vin », Flammarion).

     

    L’AOC Bandol date de 1941, renforcée par le décret de 1989 instituant le mourvèdre cépage principal à hauteur d’au moins 50% dans les rouges, les autres cépages étant le cinsault et le grenache séparés ou ensemble; et le carignan et la syrah au maximum à 10% chacun ou 15% ensemble.

    Le vignoble comprend 53 domaines et 3 coopératives répartis sur 8 communes* et 1 300 ha. Entre mer et collines rocheuses couvertes de pins et de chênes liège protégeant la vigne des vents froids, sur des sols abrupts et caillouteux de calcaire, étagés au fil du temps en restanques**. Le climat est de type marin avec des brouillards saisonniers et peu de pluie (650 ml/an). Les vignes en coteaux font face à la mer et leur ensoleillement atteint
    3 000 h/an. L’ensemble climatique et topographique a motivé l’expression « Bandol béni des dieux. »

    * Outre Bandol: Sanary-sur-mer, Ste-Anne du Castellet, La Cadière d’Azur, Le Beausset, St-Cyr-sur-mer, Ste-Anne d’Evenos, Ollioules.
    ** ou terrasses, soutenues par des murs en pierres sèches pour limiter l’érosion et le ruissellement des pluies hivernales tout en ménageant l’infiltration de l’eau. Exposés sud, les murs de pierre restituent pendant la nuit la chaleur emmagasinée dans la journée, créant de véritables « micro-climats » sur chaque restanque.

     

    DIMANCHE 14.10.18 9h30 —
    DOMAINE DUPUY DE LÔME à ÉVENOS

    Brusquement, vous quittez la route traversant le village haut perché d’Évenos pour un raidillon caillouteux, qui grimpe vers un cirque ceint d’une haute falaise des Maures d’un gris vieux, si vieux (à gauche). On se dit qu’en ce lieu sauvage, presque inhospitalier, ne peuvent naître que des vins de caractère. Une allée blanche bordée d’ormes de Russie (à droite) conduit à l’habitation où la directrice de l’exploitation réside à l’année.

    MauresArbres

     

     

     

     

     

     

     

     

    Laurence Mignard (à gauche) est la directrice d’exploitation du domaine, restructuré à partir de 1998 par Benoît Cossé et Geoffroy Pérouse, descendants de l’ingénieur maritime Dupuy de Lôme qui l’avait acquis en 1907 et depuis laissé plus ou moins à l’abandon.

    C’est après des études en sciences humaines qu’elle a finalement choisi l’œnologie, diplômée il y a vingt ans et stagiaire au château Pibarnon (où elle a tout appris) avant d’exercer en vallée du Rhône, puis sur Bandol, à Bunan.

    Le domaine couvre 13 ha dont 11,5 en AOC Bandol sur un terroir de calcaire, silice et grès, exposé plein nord en pente et en restanques.

    Le vignoble « naturel » converti en bio il a cinq ans, n’a connu ni désherbants ni pesticides. Il produit 1/3 de rouge (mourvèdre à 80% le reste cinsault et grenache), du rosé à hauteur de 60% (on est bien à Bandol !), et le reste en blanc (clairette, rolle, ugni blanc) « au goût atypique, minéral et très frais » — dommage il n’en reste plus, les propriétaires devraient produire plus. 15 €/b.

     

    DÉGUSTATION DES ROUGES :

    bouteilles Bandol-2014 :
    90% mourvèdre, 10% grenache. Nez de violette. En bouche, les tannins sont présents mais sans astringence. Du volume. Finale longue. 19 €/b.

    -2015 :
    Amplitude, mourvèdre bien présent. Notes de chocolat. Semble prêt à boire. 17 €/b.

    -2015 Cuvée les Grès.
    Provient d’un terroir entièrement de grès. Minéral et épicé. Complexe. Un peu austère. Plus maigre et plus long que le précédent. Capacité de grande garde. C’est celui-là qui exprime le mieux l’atmosphère si particulière du lieu. 27 €/b.

    Avant de nous séparer, Laurence Mignard confie qu’elle veut «  connaître et maîtriser ce qui rentre en chai, sans aller chercher ce qui n’est pas naturellement dans le vin, comme les tannins des pépins par exemple. » Et qu’elle s’efforce d’allonger les temps de macération et de vinification sans pigeage ou délestage pour atteindre encore plus d’expression et de finesse.

    Notre impression est tout à fait positive : sur un terroir relativement inhabituel pour l’appellation, nous avons là des vins délicats, fins, racés, au niveau des plus grands de l’AOC, à un prix raisonnable pour Bandol.

     

    11h00 — CHÂTEAU CANADEL
    au PLAN DU CASTELLET

    Couple Canadel

    Lorsque Jacques et Caroline de Châteauvieux ont acheté ce domaine de 15 ha il y a 10 ans, il avait tout de la belle endormie comme le rappelle Vianney Benoîst qui avec son épouse Caroline (de Châteauvieux) (à gauche) l’a repris et entièrement rebâti pour produire un premier millésime en 2014. Tout ici est nouveau et neuf, Canadel est en fait un nouveau domaine de Bandol.

    Le vignoble qui compte 98 restanques sur un fort dénivelé de 250 m, est planté à 60% en mourvèdre, 25% en cinsault, 10% en grenache avec un peu de syrah, et 5% en cépages blancs — clairette, ugni blanc et rolle. Avec autant de restanques (ci-dessous) « il faut vraiment chercher la pertinence d’un rang à l’autre » remarque Vianney Benoîst qui nous reçoit un dimanche matin avec beaucoup de courtoisie.

    Le rosé est produit à hauteur de 60%, le blanc et le rouge à 20% chacun. « Pas besoin de faire de pigeages en cuve béton (on y revient), seulement des remontages assez fréquents. » Les vins sont élevés 18 mois en foudre, à l’exception de la cuvée Canatera (vieux pieds de mourvèdre) élevée an jarres.

    DÉGUSTATION

    Rosé 2017 : mourvèdre à 50%, cinsault à 40, grenache à 10 : mais… c’est du vin ! « Se méfier des rosés pâles, quand c’est bon on continue la macération, voyez la palette de couleurs de nos rosés » (photo ci-dessous).
    Rosé 2014 : plus vineux, nez de rose fanée, fenouil.
    Rosé 2015 : la synthèse des deux premiers. « Le rosé prend de l’ampleur après un an de bouteille.« 

    Palette rosés Canadel

    Bandol Rouge 2014. Un peu salé. Du fruit. « Il ira bien avec un brie de Meaux« . 23 €/b
    Bandol Rouge 2015. 73% mourvèdre,  20% cinsault, 5% Grenache, 2% Syrah. Vin solaire, structuré. Des épices, de la chaleur. Sera prêt en 2020. 23 €/b
    Altum 2015 . Vin de hauteur comme son nom l’indique, et aussi de largeur et de profondeur. Les vignes ont 40 ans. Un Super Bandol. 39 €/b
    Canatera 2015. Micro-cuvée expérimentale (550 b), vinifiée et élevée en jarres d’argile de Toscane (photo ci-dessous). Après fermentation un mois, les jarres sont fermées hermétiquement et les peaux restent au contact du vin pendant 5-6 mois. Décuvage au printemps, mise début de l’été, sans filtration ni sulfites.
    Au nez comme en bouche, arômes de griotte, de cacao, réglisse, eucalyptus. Comme une impression de porto un poil chocolaté. La bouteille est ouverte depuis 5 jours : c’est un vin nature ! On ne sait pas s’il a de la garde, mystère. Prix NC.

    Canadel 2014Canadel AltumCanateradégustation vin

     

    groupe mtonvin

    Tout semble réussir à Canadel — d’excellentes notations des ténors de la presse professionnelle française et internationale *, une installation ultra fonctionnelle dans un environnement de rêve, une jolie demeure, une famille sympathique et accueillante, un vignoble en pleine forme qui passe en bio, un site web du tonnerre (la danse au balai des fillettes dans le chai !), des commandes qui suivent et surtout, surtout, de la qualité autant en rosé (eh oui, comme aux Bormettes, c’est du vin) qu’en rouge — parmi les meilleurs dégustés jusqu’ici.
    Notre petit groupe Mtonvin (ci-dessus) vous dit : continuez!

    * Canadel fait son entrée dans le TOP 100 producteurs du Guide Bettane+ Desseauve 2019, et la cuvée Altum 2015 obtient 17,5/20, la meilleure note des Bandol et des rouges de Provence en général.

    Vignes-Canadel

    13h30 — RESTAURANT LE REGAIN
    à LA CADIÈRE D’AZUR

    Une fois n’est pas coutume, parlons d’un déjeuner, celui au restaurant Le Regain (à gauche, l’entrée) dont le nom évoque l’un des plus purs Giono, dans le petit village fortifié de La Cadière d’Azur juché en face du Castellet, sur une colline d’où on peut apercevoir la Sainte-Baume.

    Restaurant RegainCadière d'AzurLe Regain

    Nous sommes arrivés avec 45′ minutes de retard (il fallait grimper jusqu’au village), pas un mot déplacé, avons demandé à nous installer sur la petite terrasse ensoleillée (à droite) de l’autre côté de la ruelle centrale (milieu), aucun problème on vous arrange ça tout de suite, et pour le menu ? On vous conseille la poitrine de porc de 36h, c’est notre spécialité. D’accord, avec un Blanc-Grégoire rouge 2017 (de la commune).

    Menu RegainNous sommes servis dans les dix minutes, cette poitrine de porc (3ème ligne) nous fond dans la bouche, c’est une tuerie.

    Nous passons un simple moment de gastronomie (c’en est), de tout le séjour sans doute le meilleur.

    Le Blanc-Grégoire s’est vite ouvert (9 € à la propriété).

    Le bonheur d’être ici maintenant se lit sur nos visages.

    Les déserteurs auraient du être là avec nous.

     

    15h30 — DOMAINE DES TROIS FILLES

    à LA CADIÈRE D’AZUR

    Sur les encouragements d’un article du n° 127 du bimestriel Le Rouge et le Blanc dédié à Bandol, nous sommes passés au Domaine des Trois Filles. Ce sont les trois filles Arlon dont la plus jeune est encore en BTS de viticulture (ci-dessous à droite), la mère, Ghislaine, chauffant sa place en attendant. Elles vont partager la tâche de développer ce domaine de 9 ha dont 5,5 en Bandol, en visant les 12 ou 15 à terme.

    Car les trois familles prévoient d’en vivre, y compris les parents qui ont fait les investissements dans le chai et les installations. Le père qui avait hérité du vignoble travaillait aux chantiers navals de La Ciotat et taillait juste le vigne avec sa fille aînée Audrey (au centre), celle qui a pris la direction des opérations après avoir travaillé dans le bordelais et au Chili.

    La famille s’entend bien et les trois filles ont du courage et des idées. Elles vont passer en bio et veulent elles aussi, augmenter la part des rouges pour l’instant de 30% (rosé à 70%). Nous avons discuté avec la cadette, Léonie (à gauche et ci-dessous à droite), qui a rejoint le trio récemment et nous a fait déguster quelques-uns des vins de leur domaine.

    On retiendra le 2014 en rouge qui a de la matière et du fruit noir (myrtille), mais peut-être comme le remarque le journaliste du R&B, « manque encore de maturité, sans doute un peu amer en finale. »

    ¡ Suerte chicas !

    3-Filles-SchtroumpfLeonie

    17h — CHÂTEAU DE PIBARNON
    à LA CADIÈRE D’AZUR

    C’est dimanche, le château est fermé et en montant le chemin escarpé et sinueux de la croix des signaux, Etienne et moi savons que nous trouverons porte close, mais nous y allons quand même rien que pour la vue

    Chateau-Pibarnon

    Pibarnon est situé à 300 m d’altitude devant un amphithéâtre naturel descendant sur la mer, c’est l’un des plus beaux paysages viticoles au monde :

    Amphi-Pibarnon

    Le domaine d’une soixantaine d’hectares s’étend sur un très beau terroir de calcaire issu du Trias mélangé à des marnes bleues exceptionnelles. Il est conduit par Eric de Saint-Victor qui l’a hérité de ses parents, qui eux-mêmes l’avaient acquis il y a 30 ans fascinés par le lieu. La conversion bio est en cours.

    Suivez la superbe visite proposée par le château.

    Les vins de Pibarnon, que nous n’avons donc pas goûtés, classés parmi les meilleurs de Bandol, sont réputés pour leur finesse et leur précision, et aussi pour leur capacité de garde tout en étant buvables jeunes et évoluant bien sur la durée, l’idéal. De 21 à 25 €/b.

    PROCHAINE ÉTAPE À BANDOL : 
    TOUR DE BON, TERREBRUNE et… TEMPIER

     

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  • C’EST MÊME PAS DOM PÉRIGNON QUI A INVENTÉ LE CHAMPAGNE

    par mtvadmin | Déc 16, 2018

    Dans l’environnement médiatique envahi par les communications du Champagne et notamment du « Dom Pérignon »,  la REVUE DES DEUX MONDES a publié hier un entretien intitulé Dom Pérignon inventeur du Champagne : une fake news depuis deux siècles, avec Jean-Luc Barbier, chargé d’enseignement à l’Université de Reims, mené par Antoine Lagadec. Extrait.

    Jean-Luc Barbier – L’attribution de la création du Champagne à Dom Pérignon est une fausse information, une fake news, qui se propage sans cesse depuis près de deux siècles au point de devenir une vérité dans l’esprit du public. Les Champenois, mais aussi les historiens, ont pourtant l’honnêteté de dire que le Champagne n’a pas été inventé par Dom Pérignon. La vérité est plus complexe. L’effervescence a été pendant longtemps et depuis l’Antiquité, un phénomène spontané et naturel qui affectait parfois certains vins. Elle était considérée comme un défaut, et les vinificateurs faisaient tout pour l’éviter.

    Deux événements importants se sont produits en Champagne à la fin du premier tiers du XVIIème siècle. Dans un premier temps, certains Champenois ont conçu une véritable révolution œnologique en parvenant à élaborer un vin blanc, dénommé vin gris, à partir de raisins noirs. Auparavant, on élaborait des vins rouges avec des raisins noirs et des vins blancs avec des raisins blancs. Ce vin gris est le précurseur du Champagne effervescent. L’autre événement tient à la conservation du vin : alors qu’on utilisait le tonneau d’où étaient tirés tous les vins pour être mis en flacon au moment du service, des élaborateurs champenois ont eu l’idée de mettre ce vin gris en bouteilles après la vendange et de le garder en cave dans l’attente de le vendre.

    À l’ouverture de ces bouteilles, au moment de la consommation, survenait parfois un pétillement et une effervescence plus ou moins intenses. Les premiers consommateurs de ce vin original et innovant étaient de jeunes aristocrates londoniens et parisiens excentriques et contestataires. Et les Champenois ont rapidement compris qu’un nouveau marché s’ouvrait pour un tel type de vin et ils ont entrepris de répondre à la demande de cette clientèle naissante. C’est une différence historique qui distingue le Champagne. Les autres vins étaient produits puis les vignerons cherchaient à les vendre, alors que le Champagne était élaboré sur commande pour répondre à la demande de la clientèle. Les premiers vendeurs étaient des commerçants entrepreneurs et dynamiques.

    Au fil du temps, ces précurseurs ont cherché à comprendre l’effervescence. Pourquoi apparaît-elle ? Comment la provoquer et la maîtriser ? C’est une conception collective. Le processus d’élaboration du Champagne, depuis la plantation de la vigne jusqu’à la pose du bouchon sur la bouteille, est complexe et sa définition s’étale sur une longue période allant de la fin du XVIIe jusqu’à la fin du XIXe siècle. La mise au point de chacune des nombreuses étapes de l’élaboration, comme par exemple le pressurage, l’adjonction des liqueurs de tirage et d’expédition, le vieillissement sur lies, le dégorgement, s’est faite progressivement, de façon très empirique, au fil du temps, chaque élaborateur apportant sa pierre à l’édifice commun.

    REVUE des DEUX MONDES – Quelle place occupe alors Dom Pérignon dans le Champagne ? ABBAYE D'Hautvillers

    J-LB – Tout remonte à une lettre rédigée par Dom Grossard, dernier procureur* de l’abbaye d’Hautvillers (Marne, à gauche) durant la période révolutionnaire. Dans ce document écrit en 1821, soit plus d’un siècle après la mort de Dom Pérignon, il indique que ce dernier est l’inventeur du Champagne. Sans doute avait-il la volonté d’honorer la mémoire de son prédécesseur, mais il n’apporte aucune preuve à l’appui de son affirmation. À cet égard, il faut rappeler que le frère Pierre, disciple et contemporain de Dom Pérignon, n’a jamais fait état d’une quelconque découverte du Champagne par celui-ci.

    Si la légende s’est amplifiée et a été reprise jusqu’à aujourd’hui, elle ne doit pas enlever à Dom Pérignon ses talents de gestionnaire, de vigneron et de vinificateur. Ce moine de grande piété, loin de l’homme paillard, ne buvait pas de vin. Sa gestion rigoureuse a contribué à la prospérité de l’abbaye. Pendant toute la période où il fut procureur, jusqu’à sa mort en 1715, il s’est occupé du vignoble de l’abbaye, l’un des plus étendus à l’époque, mais aussi de l’élaboration et de la commercialisation du vin. À ce titre, il a mis en œuvre une viticulture renouvelée, avec des méthodes exigeantes quant à la plantation, la sélection des cépages, la cueillette des raisins, le pressurage, la vinification. De grande qualité, ses vins étaient réputés dans toute la France et leur prix était très élevé. Dans un billet adressé à un client pour accompagner une expédition, il annonçait « le meilleur vin du monde. » Toutefois, aucun document ne permet de dire que les vins de Dom Pérignon étaient effervescents.

    * Intendant chargé des celliers

    Lire l’entretien en totalité

    NB 1. La légende voudrait que lors d’un pèlerinage à l’abbaye bénédictine de St-Hilaire en 1670, Don Pérignon découvre la méthode de vinification des effervescents de Limoux qu’il expérimente ensuite sur les vins de Champagne et enseigne au Bénédictin Ruinart.
    Mais la véritable innovation de Dom Pérignon en Champagne est l’assemblage de raisins (avant pressurage) de différentes provenances, qu’il goûte au préalable, et qui va devenir une science et un art. Et il a aussi contribué à améliorer la qualité du vin en prenant notamment soin d’éviter la « prise de mousse » considérée alors comme un défaut.
    Si Dom Pérignon a pu jouer un rôle dans le processus de son élaboration, l’effervescence du champagne a bien été une œuvre collective et longue, qui va rester empirique et mal contrôlée jusqu’aux recherches sur la fermentation de Pasteur au XIXème siècle.
    NB 2. La REVUE DES DEUX MONDES a publié au 2ème trimestre 2016 un n° spécial illustré Le Champagne dans la grande Histoire  comprenant 25 contributions dont déjà celle de Jean-Luc Barbier, intitulée Qui a inventé le Champagne ? (25 p). L’ouvrage sous la direction de Valérie Toranian assistée de Michel Guillard compte 200 pages.
    Ci-dessous, les vignes autour du village d’Hautvillers : l’abbaye de Dom Pérignon se voit au fond à gauche.

    Vignes-autour-dHautvillers

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  • DE LA LONDE-LES-MAURES À BANDOL (1/6)

    par Daniel J. Berger | Déc 15, 2018

    DANIEL J. BERGER

    C’était la mi-octobre. Nous faisions un petit tour dans les vignobles de La Londe-les-Maures (Est de la carte ci-dessous) à Bandol (à l’Ouest), par un temps de rêve comme on dit, alors que les pluies devaient se prolonger toute la semaine. Notre voyage-dégustation avait pour but de mieux connaître les rouges et les blancs de cette partie de Provence, dont la production se trouve un peu occultée par celle des rosés devenus carrément envahissants.

    De la petite route de Bormes-les-Mimosas on ne voit rien du massif des Maures, vieilles roches à la carapace fripée, si vieilles, préhistoriques. Pour avoir un point de vue, il faut suivre une route de crêtes, mais ce n’est pas prévu au programme, ou bien emprunter les autoroutes qui vous les mettent en perspective, on l’a fait hier soir, le panorama était grandiose.

    Cette petite route de Bormes à Cabasson, lieu dit où s’embouche la route du Fort de Brégançon, serpente mollement en détours capricieux, on passe dans un tunnel végétal au tracé un peu flou bordé de petits chênes verts, d’oliviers pas vraiment alignés, de thuyas qui mordent les bordures de pierraille. Dans la pénombre sous les branches, des moutons gris se tiennent immobiles à chacun de nos passages : sont-ils bien vivants ? On devine la mer bleu foncé derrière les rangs de vignes roussies.

    Le-territoire-de-La-Londe-à-Bandol

    Au sein de la vaste appellation Côtes de Provence (18 000 hectares), une trentaine de vignerons et une cave coopérative ont su faire valoir auprès de l’INAO l’homogénéité du terroir qui, sur 30 km entre le Cap Bénat à l’est et la presqu’île de Giens à l’ouest, associe un sol schisteux à un climat tempéré par la Méditerranée. Et ils ont obtenu en 2008 l’AOC Côtes de Provence-La Londe pour leurs rouges et rosés (les blancs restent CdP), incluant sur seulement 80 ha Lalonde-les-Maures, Bormes-les-Mimosas, La Crau et Hyères. Nous en avons goûté quelques-uns choisis par nos amis buveurs Danièle et Jean-Jacques Lobel, nos hôtes à Cabasson.

    À La Londe-les-Maures, la vendange a duré de la mi-août à la mi-septembre, elle est terminée depuis un mois. On ne cache pas son sourire, 2018 est une bonne année, les domaines des bords de mer ont été épargnés par le gel, les longues pluies de printemps ont protégé les vignes des chaleurs d’été, et si le mildiou a amoindri la quantité récoltée il n’a pas nui à la qualité du raisin.

    12 octobre 2018 à 10h30 – CLOS MIREILLE – Domaines OTT à La Londe-les-Maures

    vignoble

    Eh oui, il pleut aussi en Provence, 1 200 ml en deux jours, hier c’était la tornade, entre les rangs de vigne le sol est détrempé (photo).

    Aujourd’hui grand soleil, l’air est venté. Au Clos Mireille on entend les ânes braire au loin.

    Clos Mireille est une marque connue et une propriété de premier plan à La Londe-les-Maures, qui maintient un niveau de communication régulier.

    Rappel — Le groupe Roederer, actionnaire majoritaire d’un empire viticole de 650 M€, a une participation de 66% dans les domaines Ott (Clos Mireille, Château de la Selle en Côtes de Provence et Château Romassan en Bandol) ainsi que dans les bordeaux Pichon Longueville Comtesse de Lalande, Haut-Beauséjour et Pez, le champagne Deutz (lui-même actionnnaire de Delas en vallée du Rhône), le porto Ramos Pinto, et l’effervescent californien Roederer Estate.

     

     

    C’est le sympathique et dynamique Jean-François Ott qui nous reçoit (à droite),  l’un des petit fils de Marcel Ott, ce pionnier alsacien conquérant de vignes au début du XXème siècle qui plutôt que l’Algérie a choisi le Provence en acquérant d’abord le Château de la Selle en 1912 puis le Clos Mireille en 1930.

    Marcel OTTJean Francois OTTIl y a dans leur portrait comme un air de famille.

    Marcel Ott a été le bâtisseur de Clos Mireille après arrachage des mûriers sauvages, des vieux oliviers et des pins parasols pour y planter du sémillon, du grenache, du cinsault et de la syrah du rolle (appelé vermentino en Italie et en Corse).

    On le dit inventeur du rosé de presse*.

     

     

    bouteilles OTT
    bouteille OTT

     

     

    En tout cas il a créé la fameuse bouteille en forme de noyau d’olive devenue emblème exclusif de la marque — Marcel Ott souhaitait la voir se généraliser en Provence, mais personne n’en a voulu (à droite,  les premiers moules).

     

     

     

    Jean-François Ott nous conduit à travers le domaine de 55 hectares bien ordonnés, avec un réseau de drainage sophistiqué, des massifs de fleurs assainissantes, des petits bosquets de pins et des carrés laissés en jachère

    paysage

    car les remontées de sel y tueraient les racines de vignes et, à l’une des extrémités du vignoble, un portail ouvrant sur… la mer.

    Ott Mer

    Et voir  la Méditerranée venir lécher le bord du vignoble vous met dans un état d’osmose cosmique propice à la DÉGUSTATION :

    CLOS MIREILLE ROSÉ 2017. Grenache, cinsault, syrah. Très clair (« couleur capucine saumonée, rehaussée de reflets d’aurore naissante » dit la fiche technique, très inspirée). La mode est au rosé, dépassant largement la Provence, le phénomène est devenu planétaire. La couleur claire est recherchée, elle serait synonyme de qualité. 25,60 €/b. Nous allons avoir ces quatre jours plusieurs débats autour de la question « le rosé est-il du vin ? »
    CLOS MIREILLE BLANC DE BLANCS 2016. 80% sémillon, 20% rolle, élevage sur lies. Comme pas mal d’autres vignerons, Ott tend à se débarrasser de l’ugni blanc (ou trebbiano), cépage censé apporter un complément d’acidité mais jugé moins qualitatif. J. F. Ott rappelle que Clos Mireille n’a longtemps produit que du blanc, couleur d’origine et identité des vins de Provence et que le rosé est récent, remontant aux années 1950. Vin soyeux, ample, avec des arômes d’agrumes (citron) et de fruits exotiques (kumquat). 24 €/b

    14h30 – CHÂTEAU MALHERBE à Bormes-les-Mimosas

    Retour à Bormes-les-Mimosas sur le contreforts du Cap Bénat par la « route du bout du monde » jusqu’à la rade d’Hyères au château Malherbe. Ou plutôt ferme qu’il a été longtemps, celle du Fort de Brégançon. La propriété est depuis quatre générations dans la famille Ferrari qui a réhabilité le vignoble de 20 ha, cultivé comme un jardin et passé en bio en 2013.

    Topographie-Malherbe

    Il s’étend en pente douce sur deux terroirs (ci-dessus) : la pointe du Diable dont une extrémité a lui aussi les pieds dans l’eau et les coteaux de Malherbe que nous avons parcouru au cours d’une balade très sportive en 4×4 : bien secouer le visiteur avant dégustation :

    POINTE DU DIABLE
    Le terroir de la pointe du Diable se situe en front de mer, sur un sol sableux composé d’alluvions anciennes parsemé d’éclats de quartz, rafraîchi par les rosées nocturnes du rivage.
    — Rosé 2017. Grenache, cinsault. Rosé de saignée, macéré 24h à basse température. Elevage 3 mois sur lies. Couleur claire, nez discret, bonne attaque, de la fraîcheur, longueur modérée. 17,70 €/b. 20 000 b.
    — Blanc 2015. Rolle, sémillon. Très beau vin, quintessence du blanc de Provence. Epuisé.
    — Rouge 2014. Syrah, grenache, cabernet sauvignon. Macération basse t°. 4 semaines de cuve puis fût de chêne. Rouge assez clair, joli nez de fruits rouges et d’eucalyptus. Longueur fraîche et épicée. 25 €/b. 15 000 b.

    CHATEAU MALHERBE
    Celui des coteaux de Malherbe dispose d’un sol argilo-schisteux (terre rouge), irrigué de manière naturelle par les ruissellements du massif des Maures.
    — Rosé 2017. Grenache, rolle. Saignée et maturation à froid 24-36h. Élevage sur lies. Nez de pivoine. De l’acidité et de la tension en bouche. Jolie finale. 153 € les 6. 15 000 b.
    — Blanc 2016. Rolle, sémillon. Jaune pâle. Arômes de coing et de citron. Bouche ample de notes minérales et d’agrume. Beau vin cher : 189 € les 6 (31,50 €/b). 10 000 b.
    — Grand blanc 2014. Rolle, sémillon. Jaune soleil. Élevage sur lies 18 mois en demi-muids de chêne (150 l). Superbe nez. Bouche complexe de miel, d’oranges confites et d’ananas. 90 €/mgm. 2 600 b, 160 mgm.
    — Rouge 2014. Mourvèdre, grenache, syrah. Vinification de chaque cépage séparément, idem pour l’élevage en fûts, puis assemblage final. Rubis éclatant. Nez de mure et de cannelle. Bouche de fruits cuits, de garrigue, de terre chaude. 30 €/b. 10 000 b et 400 mgm.

    Outre la dégustation des vins énumérés ci-dessus, la visite de Malherbe offre un grand nombre de points de vue sur les parcelles du vignoble, les collines, les sous bois et les panoramas en bord de mer : au loin Giens, Port Cros, et tout près Brégançon (à droite ci-dessous, Porquerolles au fond).

    Vignes MalherbePorquerolles

    La balade dans le verger-potager où sont rassemblés les végétaux du maquis — notamment arbousiers, genêts, myrtes, lentisques, cistes cotonneux –, au milieu de 70 variétés oubliées de poiriers, pommiers, fraisiers et de légumes méditerranéens, est très instructive. On sent un engagement de l’équipe du domaine pour maintenir un équilibre durable entre nature et culture. L’intérieur de l’ancienne ferme (ci-dessous) présente les installations anciennes comme l’ancien cuvier en carreaux de verre ou la machine à cirer les cols (à droite).

    domainemachine a cirer

    17h – CHÂTEAU LES BORMETTES à La Londe-Les-Maures

    Ce domaine est de beaucoup le plus ancien que ceux déjà visités : le vignoble des Bormettes présent ici depuis l’époque gallo romaine, a existé dès le Xème siècle sur ce territoire bien avant la création même de La Londe. Il a été exploité fin XVIème par les moines de la Chartreuse de la Verne, où se trouve une partie des caves en voûtes et alcôves (ci-dessous).

    Caves-Bormettes

    Horace Vernet, peintre officiel de Napoléon III, a acquis la propriété en 1855 et l’a dotée d’un château assez kitsch aujourd’hui enserré dans un lotissement dont les revenus seraient employés à sa restauration après avoir été peint en vert par l’occupant pendant la guerre, puis ensuite une longue période aux mains d’un service de télécommunications de l’armée.

    L’exploitation s’est véritablement configurée de 1970 à 2010 et c’est maintenant que le vignoble de 72 ha dirigé par le propriétaire Fabrice Faré et son chef d’exploitation Yannick Burles, ancien caviste et acheteur pour Monoprix, qui visent à l’élargir à 90 ha, est en train de prendre sa véritable dimension, celle d’un domaine viticole provençal de premier plan, déjà impressionnant d’originalité et d’ambition.

    Vignes-Bormettes

    Notre voyage-dégustation a pour but de mieux connaître les rouges et les blancs de Provence. Nous sommes bien tombés : sur le sujet du rosé, Yannick Burles s’en est déjà expliqué : rares sont les consommateurs de rosé qui croient boire un vin ! Nous visons à descendre de 70 à 50% notre part de rosé car pour produire des rosés à la mode, c-à-d très pâles, nous serions contraints d’ajouter des produits exogènes, de collage notamment, et nous ne le voulons pas. Les rosés des Bormettes restent à l’écart des modes et des injonctions du marché : ils ont de la structure, du volume, de la couleur, beaucoup d’arômes et peuvent accompagner un repas.

    La famille Faré a déjà investi plusieurs millions dans son domaine, estimé en 2018 entre 120 et 150 000 €/ha, qui jouit en appellation La Londe-les-Maures d’un terroir viticole tempéré par le littoral, riche de schistes et de quartz, à fort potentiel et propice à la singularité des vins, « en expérimentant sans dogmatisme. » Ce vignoble en coteaux à moins de 1 km de la mer (ci-dessus) est entouré de 140 ha de forêt et de maquis préservés : nous cherchons à produire des rouges et des blancs dont les arômes sont à l’image de notre terroir, avec du minéral, du sel, du fumé, et aussi de la rondeur et de la fraîcheur sans acidité ni amertume, avant tout gourmands, précise Yannick Burles. Beau programme non ?

    chateau Bormettes

    Et nous n’allons pas être déçus par la dégustation :
    Instinct parcellaire blanc La Bergerie 2016. Rolle 100%. Élevé en partie en fût de chêne dans la cave des moines. Très parfumé. Bonbon. Un délice de confiserie. 15,90 €
    Cuvée Hélène blanc 2017. Rolle 100%. « Il a été cueilli surmûri comme les Corses le font avec le vermentino. » Récolte nocturne. Macération longue à basse température pour extraire le fruité. Élevé sur lies en cuve de la vendange à la mise en bouteille au printemps. Réduction des lies pour obtenir une fraîcheur mentholée.
    Notes d’hydrocarbure et de fruits — agrumes, pêche, puis poire. Belle finale de douceur, proche du muscat. Michel Bettane n’a pas oublié de le remarquer, le qualifiant de « riesling de la Méditerranée. » 9,90 €.
    Indiscutablement le meilleur rapport Q/P de la journée, et de loin.
    Instinct parcellaire rouge 2017 Pic Saint-Martin. Syrah 93%, rolle 7%. « Nous avons ajouté une petite proportion de blanc. On s’approche d’une Côte Rôtie ou d’un Châteauneuf du Pape. » 9,90 €/b
    Instinct parcellaire rouge 2017 Le Rif. Syrah 90 % grenache 10%. « 3 F — finesse, fraîcheur, fruit et 1 G, pour gourmandise. »
    Instinct parcellaire rouge 2016 Saint-Georges. Syrah 90, cabernet sauvignon 10%. « On est plus près du pinot noir que des côtes de Provence. »
    Cuvée Pater, rouge 2015. Mourvèdre 85%, syrah 15%. 24,90 €/b
    Les prix s’entendent départ caveau.

    Nous venons de découvrir aux Bormettes un vrai trésor : des vins très originaux dont le conception est mûrement réfléchie pour sortir du train-train, avec une gamme fournie, peut-être trop, et sans doute un peu compliquée.
    La grande taille du vignoble permet une stratégie d’optimisation parcellaire révélant de nombreuses possibilités.
    Et les prix sont abordables comparés aux « grands » de l’appellation dont les différences de tarif ne sont pas toujours justifiées.

    À La Londe-les-Laures, nous avons aussi rendu visite et dégusté les vins des domaines de :

    JASSON

    Chateau de Jasson

    Vignoble de 17 ha, pieds quadragénaires. L’engagement écologique du vigneron est exemplaire, qui dit que « le mistral est le meilleur antibiotique du raisin « . Le résultat de ses pratiques ancestrales — tranchée entre les rangs favorisant la descente des racines en profondeur, enrobage des pieds en hiver, coquillages concassés qui apportent de l’azote, irrigation selon nécessité –, est probant : la plante en très bonne santé est belle d’aspect, plus que sa voisine, celle des Valentines pourtant en culture bio. « Mésanges, pierrots et palombes viennent débarrasser la vigne des insectes et se nourrir des grappillons. » Les vins nous sont apparus moins convaincants.

    LES VALENTINES

    Valentines

    50 ha de vignes, pinèdes et garrigues poussent sur le schiste. Ce domaine qui existe depuis le début du XXème a longtemps porté sa vendange à la Coopérative de La Londe jusqu’en 1997 année de reprise par Gilles Pons et Pascale Massenot. Jolis vins blancs.

    FIGUIÈRE (ex Saint-André de FIGUIÈRE)

    Figuiere

    Domaine familial en bio de 80 ha racheté en 1992 par Alain Combard, alors associé de Michel Laroche à Chablis. Très belle réussite de l’entreprise qui produit 350 000 b de rosé sur 1,5 Mb/an. Trois gammes dans les trois couleurs : Première, aux alentours de 20€/b, Confidentielle, Signature vendue au négoce, un « vin plaisir au nom des trois enfants » (Magali, Valérie, François).

     

    * Le rosé de presse ou de pressée est obtenu par pressurage des grappes en évitant le contact du jus avec les peaux pour obtenir une couleur claire. Le rosé de saignée, est obtenu par macération des peaux entre 12 et 24 h sans laisser la couleur devenir foncée.

     PROCHAINE ÉTAPE : BANDOL

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  • LE SIÈCLE DE BAILLIENCOURT À CHÂTEAU GAZIN

    par Daniel J. Berger | Déc 7, 2018

    DANIEL J. BERGER

    Château Gazin est l’une des plus anciennes propriétés de Pomerol, remontant aux Chevaliers de l’Ordre de Malte au début du XIIème siècle. Ancienne halte des pèlerins en marche vers Saint Jacques de Compostelle au Moyen Âge, les bâtiments du château actuel seraient implantés à l’emplacement de l’ancien hospice des Chevaliers, dont la croix à huit pointes est restée attachée au vin de Pomerol et en tout cas à Château Gazin.

    Croix Malte Gazin

    Les éditions Féret de Bordeaux publient un recueil sur ce domaine dont l’histoire est longue et celle des propriétaires actuels déjà centenaire, depuis ce jour de 1918 où leur ancêtre a acquis le vignoble, l’un des plus étendus de Pomerol.

    Les Bailliencourt, l’une des plus anciennes familles françaises originaire d’Artois*, ont développé leur vignoble de 24 ha d’un seul tenant, face au célébrissime Château Petrus — auquel ils ont jadis vendu 4,5 hectares pour raisons de succession.

    Nicolas de Bailliencourt

    Nicolas de Bailliencourt qui veille avec son frère et leurs deux sœurs aux destinées du domaine, est l’un des parrains de ce blog depuis sa création : nos voyages-dégustations ‘Mtonvin’ ont inclus plusieurs visites de leur propriété délicieuse de simplicité et de proportions, distinguée comme leur vin — en reprenant la formule de Jacques Puisais, à l’image des gens qui le font**.

    Le travail technique des Bailliencourt sur la vendange, de tout temps récoltée à la main, s’est modernisé progressivement jusqu’à la mise en pratique de la viticulture biologique aujourd’hui.

    À Pomerol, seule grande AOP du bordelais sans classement, Château Gazin peut être rapproché d’un 3ème Grand Cru Classé du Médoc, ou d’un 1er GCC de St-Émilion. Depuis le XVIIIème siècle, la commune de Pomerol est cultivée en vignes au 4/5ème de sa superficie — 813 hectares sur un plateau de 4 x 3 km mitoyen de Saint-Émilion et limité par le ruisseau la Barbanne et par l’Isle, affluent de la Dordogne, qui crée un microclimat. Le merlot est planté à plus de 80%. La surface moyenne des quelque 120 propriétés avoisine 5,5 ha : Château Gazin est donc l’une des plus vastes.

    Chateau-Gazin

    Château Gazin est un grand Pomerol, d’un pourpre-grenat intense, au nez épicé exhalant des notes de sous bois et de gibier. L’ouvrage énumère avec zèle les nombreuses nuances en bouche « prune, chocolat, café, réglisse, cèdre, encens, amande, pain grillé, tabac, vanille, violette, menthe, » n’en jetez plus, le meilleur sommelier du monde s’y perdrait. À sa maturité, une vingtaine d’années après mise en bouteille, on peut même y reconnaître des notes de truffe émanant de l’argile bleue et de l’oxyde que contiennent les fameuses crasses de fer (terre noire) qu’on trouve ici dans le sol des graves communes au bordelais.

    On a affaire à un Monsieur, qui vous jauge de sa hauteur et ne se laisse amadouer que les jours où il est disposé à vous raconter son histoire. Il change peu et sans à-coups (c’est nous qui sommes changeants), restant jeune un moment et mûr longtemps.

    Le 2ème vin, l’Hospitalet de Gazin, issu des jeunes vignes, se boit plus tôt et se goûte mieux que le 1er vin tant qu’il n’est pas arrivé à maturité.

    Bouteille Gazin 1975

    Je me souviens encore de ma première bouteille de Gazin, un 1975 payé 25 francs en 1979, l’équivalent de 11 € (cf. tableau de conversion 2010 de l’INSEE tenant compte de l’inflation relative), prix élevé à l’époque, mais bien moins qu’aujourd’hui puisque le 2016 s’achète entre 85 et 90 € (Gazin exporte sa production à 90%, le marché français ne répondant plus à de tels niveaux de prix).

    Même si depuis les années 70 le vin a beaucoup évolué en ampleur aromatique, en finesse et en souplesse, je retrouve à chaque nouvelle dégustation mon impression première, un concerto de saveurs racées suscitant à la fois plaisir et respect, maintaining decorum comme disent les Anglais. Un vin de grandes occasions, à déboucher au moins trois heures à l’avance, dont on attend l’arrivée sur la table comme le couronnement du repas.

     

    Le conseil donné page 60 est de faire du grand vin comme de l’Hospitalet des « partenaires naturels » des viandes rouge et blanche, du gibier, du foie gras, de la truffe et au dessert, des gâteaux d’amandes et des fruits rouges et noirs.

    Ce précieux petit livre brille par sa clarté, sa rigueur, sa qualité documentaire au plan historique, en se gardant de l’impressionnisme lyrique, souvent pratiqué lorsqu’il s’agit d’évoquer un grand cru.

    * qui remonterait à Lothaire, roi des Francs (941-986); et « dit Courcol », ainsi nommé après faits de bravoure d’un lointain ancêtre à la victoire de Bouvines (1214) ou à la défaite de Crécy (1346).
    La famille de Bailliencourt dit Courcol est évoquée par Maurice Druon dans Les Rois maudits; et par Marguerite Yourcenar dans Souvenirs pieux, qu’elle décrit comme aïeux du côté paternel (édition Folio pp. 100, 101 et 102).

    ** J’aime que le vin ait la gueule de l’endroit et les tripes de l’homme, dit le vice-président de l’Institut du Goût.

    Chateau Gazin

    CHÂTEAU GAZIN, Collection Châteaux et Domaines, FÉRET, octobre 2018, 64 p. 9,50 €

     

     

     

     

     

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