HERVÉ LALAU | Les 5 du vin, 19 avril 2017

Le blog Mtonvin.net  se fait fort de relayer les points de vue intéressants et nouveaux et d’accueillir les contributions de bloggers établis ou inconnus.
Aujourd’hui Hervé Lalau, partenaire du blog collectif
Les 5 du vin.

C’est fou le nombre de bêtises qui circulent dans le domaine du vin, transmises de génération en génération, de sommelier en sommelier, de critique en critique, de buveur en buveur. Légendes urbaines, on-dits, souverains poncifs, ou simples conneries, parfois teintées de snobisme. Et l’âge ne fait rien à l’affaire. Une vieille bêtise reste une bêtise. En voici quelques unes avec, quand c’est possible, le contre-exemple, en guise d’antidote…

« Le Champagne fait moins mal à la tête que les autres bulles »
On lit toujours ce genre d’affirmations mal étayées sur des sites de référence et même dans des sondages, preuve que la Champagne entretient bien son image de produit de luxe… Et peut parfois faire preuve de mauvaise foi (l’histamine a bon dos : pourquoi les Chardonnay-Pinot de Loire, du Jura ou de Bourgogne en auraient-ils moins que ceux de Champagne ?).

« Les blancs du Sud sont lourds »
Contre-exemples: le Picpoul de Pinet, le Rias Baixas, le Verdicchio, le Côtes-de-Gascogne…

« Les vins d’Espagne sont alcooleux »
Contre-exemple : les vins de Galice (et bien d’autres).

« Le Porto est un vin d’apéritif »
Contre-exemple: le mode de consommation anglais du Porto, qu’on qualifiera de diversifié – cela va du foie gras au fromage, en passant par le chocolat, sans oublier le cigare. Dans sa nouvelle The Choice of Amyntas, Somerset Maugham a d’ailleurs écrit de fort belles choses sur la façon de boire entre 1 et 4 verres de Porto selon l’effet recherché et en dehors des repas.

« Le Málaga est un vin cuit »
Contre exemple : tous les Málagas. Certains contiennent une réduction de vin, l’arrope, mais pas tous; et c’est loin d’être l’élément principal des vins.

« Le Madère, c’est pour la cuisine »
Contre-exemples : la plupart des Madères qui ne sont pas présentés en grande distribution dans de petites bouteilles moches.

« Le rosé, ça se boit dans l’année »
Contre-exemple : tout ce qui ne ressemble pas à du blanc taché, au goût de bonbon, de vernis ou de pamplemousse (et que vous aurez la patience d’attendre). Lancez notre ami Marc sur ce thème, il est intarissable. Et à propos de tari, voyez Guillaume au Domaine de la Bégude.

« Les vins allemands sont sucrés »
Contre-exemples : innombrables. Mais quel est le pourcentage de Français qui dégustent régulièrement des vins allemands depuis la dernière mise à sac du Palatinat ?

« Le Prosecco, c’est pour faire un Spritz »
Contre-exemple : voir ICI

« Le vin nature rend moins saoul »
Contre-exemple : aucun – j’aurais trop peur de choquer les vrais croyants !

« La Clairette de Die est issue principalement du cépage Clairette »
Eh bien non, même que la Clairette ne peut dépasser 25% des cuvées – c’est là un des grands mystères des AOC françaises; apparemment, cela ne choque personne, et pourtant, cela revient à vendre autre chose que ce qu’il y a sur l’étiquette. On se croirait dans la politique.

« Les rosés de Loire sont sucrés »
Contre-exemple: l’AOC Rosé de Loire, justement. Contrairement au Rosé d’Anjou ou au Cabernet d’Anjou, c’est un vin sec. Vous avez dit « confusing » ?

« La capsule à vis, c’est bon pour les petits vins à boire jeunes, au pique-nique
Erreur funeste! Plus vous payez cher un vin, plus vous avez envie de le garder, et moins vous avez envie de le voir se gâter du fait d’un mauvais bouchon. Et je ne parle pas seulement du goût de bouchon, mais du syndrome du vin fatigué, dont on ne sait plus trop si c’est l’obturation ou le vin qui en est responsable. Rien de plus désagréable que de se demander si c’est le vigneron qui est en faute, ou le bouchonnier… Si le bruit du bouchon vous manque à ce point, faites « pop » avec la bouche !

« Les fromages s’accompagnent de préférence de vin rouge »
Contre-exemples: la majorité des pâtes dures, type Comté, Gruyère, Appenzell, qui supportent mal les tannins. Mais il y a tellement de sortes de fromages, et tellement de sortes de rouges, plus ou moins tanniques, qu’on ne peut pas généraliser.

D’ailleurs, que ce soit dans le domaine du vin, de l’art, de la science… ou de la politique, la généralisation abusive n’est-elle pas la plus belle définition de la connerie ?

J’arrêterai là pour cette fois. Si vous voulez une suite, vous pouvez me fournir d’autres exemples, je me ferai un plaisir de dégonfler d’autres baudruches…