D’après JEAN-MICHEL DEISS (photo ci-dessous)

Réhabilitée par Jacky Rigaux, l’analyse « géo-sensorielle » s’inscrit en complément de l’analyse « sensorielle » inventée après la dernière guerre et codifiée en 1974 par le Professeur Vedel, l’inventeur du verre à dégustation INAO.
L’analyse sensorielle a pour objet de définir le vin d’abord par l’olfaction, par le nez (1).
— L’analyse géo-sensorielle a vocation à percevoir la relation reliant les caractéristiques d’un vin et son lieu de production.

Aujourd’hui, tous les amateurs agitent leur verre en espérant capter et nommer le dernier arôme… souvent rajouté ! Personne ne s’interroge sur la structure des vins et plus particulièrement sur leur aptitude à la garde et au voyage, questions pourtant importantes quand on vise un retour à plus de naturalité et au renoncement au sur-sulfitage.

La dégustation géo-sensorielle vient de loin. Elle a contribué à l’élaboration du Cadastre Charlemagne (802) de la Bourgogne à l’Alsace et du Rhin au Danube, dans une perspective successorale saxonne, en nommant les traits caractéristiques ou « talents » de chaque lieu-dit. Elle a été perfectionnée par les religieux de Cîteaux qui, avec Bernard de Clairvaux, ont recherché les lieux favorables à la production de « Grands Vins Purs et Nature, Sang de notre Seigneur. » On dit que les moines goûtaient la terre….

Du XVème au milieu du XIXème siècle, elle devient le principal outil des Gourmets (voir posts précédents).

Aujourd’hui, la dégustation géo-sensorielle se pratique plus avec un tastevin qu’avec un verre analytique, et dans le noir ou la semi-obscurité plutôt que dans une salle blanche à l’éclairage normé. Il s’agit de saisir la texture des vins plutôt que leurs arômes, de « taster » leur niveau de complexité, d’éprouver leur capacité à se minéraliser pour aboutir à un équilibre final et une harmonie absolue.

Forme subtile d’introspection, elle révèle le côté humain des vins et l’homme dans le dégustateur, ce qu’exprime Paul Claudel dans Louange du vin : « le vin est professeur de goût : en nous formant à la pratique de l’attention intérieure, il est libérateur de l’esprit et l’illuminateur de l’intelligence. »

D’après un texte du Domaine Marcel Deiss, Bergheim, 25 juin 2013

(1) Selon Jules Chauvet, fondateur de l’œnologie microbiologique moderne, l’olfaction serait 20.000 fois plus performante que le goût.