COMMUNIQUÉ DE MUSICA VINI 3ème ÉDITION

Logo MVLe thème de Musica Vini le 12 septembre prochain, « Musique et vin, l’esprit des femmes », est motivé d’une part par l’influence grandissante des femmes dans les activités de la vigne et du vin. Et tout autant par le désir de mieux comprendre le rôle de la « sensibilité féminine » dans l’élaboration du vin et la perception des correspondances entre musique et vin.

Ce n’est que progressivement que le rôle des femmes a franchi les barrières mentales du monde du vin en France (1) : « dans les salons professionnels, quand il y a un homme à côté de moi, les gens s’adressent au monsieur, pensant que c’est lui le vigneron, » (Anne Hugues, Domaine de la Royère, Lubéron). Les femmes n’y ont pas de place réservée : « il y a vingt ans, c’est le prix de l’ « Homme de l’Année » que j’ai reçu de La Revue du Vin de France, » ironise Marlène Soria (Domaine Peyre Rose, Languedoc). Le poids de l’histoire et des traditions restent forts, les femmes sont attendues au tournant avec un même challenge : convaincre et s’imposer.

Programme Musica Vini 2015

Dans la vigne comme au chai
Historiquement exclues des chais — la croyance voulait que leur présence à certaines périodes faisait « tourner » le vin —, les femmes ont conquis d’abord les caves car le métier de la vigne, très physique, les décourageait et on leur conseillait d’entrer plutôt dans un laboratoire : « il y a 30 ans, l’œnologie était nouvelle et sans femmes. Aujourd’hui, l’Union des Œnologues en compte 50% » (Escudier). Agnès Payan (viticultrice dans le Gard), rétablit: « nous sommes plus endurantes que les hommes pour les travaux d’ébourgeonnage, plus précises dans l’épamprage et plus délicates dans les gestes de la taille et du pliage de la vigne. Mais il nous manque leur force physique : le matériel n’est pas pensé pour nous et il y a des choses infaisables : réparer le tracteur, visser, dévisser, soulever… nous avons absolument besoin de leur aide ! » Les viticul-trices interrogées le confirment : la force d’une exploitation réside dans la complémentarité homme/femme. Comme le remarquait Michel Bettane en 2014 à Musica Vini à propos des couples de Bonnaventure à Chinon, Papin à Beaulieu-sur Layon et Perromat à Cérons, qui participaient à la 2ème édition : « sans leurs épouses ils n’y seraient sans doute pas arrivés : il y a toujours une femme derrière la réussite d’un vignoble et d’un vin ! »

Faire le vin en couple
Le travail de couple permet de créer des vins toujours différents dit Cécile Bernhard Reibel (vigneronne à Châtenois, Alsace), « chaque millésime est comme un nouveau né, on l’attend ensemble, on le fait grandir, unique et différent chaque année, c’est un rapport assez maternel en fait ! » Et Marie-Thérèse Chappaz, vigneronne helvétique internationalement reconnue et respectée, ancienne sage-femme elle-même, se qualifie d' »accoucheuse de vins ». Pour certaines vigneronnes, la période des vendanges qui coïncide avec la rentrée scolaire, est vécue avec l’appréhension de laisser ses enfants livrés à eux-mêmes, trait féminin caractéristique.

Femmes de vin, vins de femme
Les vins élaborés par des femmes sont-ils différents ? Existe-t-il des vins de femmes ?Nadine Gublin (œnologue du Domaine Jacques Prieur en Bourgogne) ne le pense pas : « chaque vigneronne ou vigneron a sa sensibilité propre et produit son vin dans le respect du terroir, il n’est pas de question de « genre » mais d’individualité, et il n’y a pas pour moi de « style féminin ». La production du vin requiert un tel nombre de paramètres qu’il serait donc difficile d’y reconnaître en plus un caractère typiquement féminin. Agnès Payan : « la première année je n’avais rien changé au vignoble de mon père et pourtant, selon l’œnologue du domaine – un homme –, le goût du vin semblait différent… » Des tests ont montré qu’il est pratiquement impossible de savoir si un vin est l’œuvre d’un homme ou d’une femme.

Dégustation : l’approche féminine existe-t-elle ?
Si le vin n’est pas sexué, à la dégustation à la cave, l’approche féminine paraît différente — explications moins techniques et plus sensitives, fondées sur une approche émotionnelle accessible au public à commencer par les femmes elles-mêmes : « nous dédramatisons la dégustation avec des mots simples, en évoquant des sensations, des analogies avec des parfums, réels ou rêvés et sans termes compliqués » dit une viticultrice de Provence. « Une femme est souvent plus intuitive et rapide, avec un jugement assez juste, observe Ursula Beutler (caviste à Sion, Suisse), elle saura dire si un vin est bon ou pas, même si elle ne l’explique pas. »

« De par son lien charnel à l’enfant, la femme est plus sensible aux odeurs et au monde qui l’environne directement » ajoute Simone de Montmollin (présidente, union suisse des œnologues), « car la dégustation, c’est 5% de théorie et 95% de pratique et de mémorisation, et l’odorat et le goût de la femme sont mieux entraînés au quotidien, à la cuisine. »

Les femmes seraient donc dotées d’un odorat plus développé et plus subtil. Difficile pourtant d’avoir des certitudes. Agnès Payan à nouveau : « en dégustation, je vois des femmes aimer des vins construits, riches, avec beaucoup d’alcool; et des hommes aimer des vins tout en élégance et en finesse. » Donc pas de stéréotype, ni de vérité première. Il y a quelques années, des tests grandeur nature avec les mêmes vins dégustés à l’aveugle par les femmes d’un côté et les hommes de l’autre, n’ont permis de tirer aucune conclusion précise.

Pour sa 3ème édition, Musica Vini va s’efforcer, via l’expérience au féminin de dégustation simultanée musique et vin, d’apporter sa contribution à la singulière question du « genre » du vin.

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Bellebranche à Saint-Brice (Mayenne) 12 septembre, de 15h à 20h. Programme ici

(1) En France, le vin est acheté à 70% en grande distribution et à 70-80% par les femmes. 20 à 25% des emplois dans la vigne sont féminins. Parmi les viticultrices, on compte autant de femmes, diplômées ou non, qui choisissent le métier par passion, que de viticultrices qui le sont par devoir, en remplacement d’un conjoint à la retraite ou décédé.

Sources :
Agreste Primeur, revue du ministère de l’Agriculture.
Jean-Louis Escudier, chercheur au CNRS, auteur d’une étude sur les rapports économiques entre hommes et femmes dans la viticulture.