DANIEL J. BERGER

Le Château Grand Français a été repris il y a 25 ans par Dominique Vacher (photo), président du laboratoire pharmaceutique Genevrier à Sophia Antipolis, un scientifique féru de bio, descendant de la famille qui a créé puis délaissé leur propriété de 600 hectares au siècle dernier. Il y a reconstitué un vignoble de 8 hectares d’un seul tenant, bien isolé sur les coteaux de l’Isle au nord de Saint-Émilion.
Ce Bordeaux Supérieur est membre du club « inabottle » créé par le laboratoire
Œnoteam de Libourne regroupant 17 châteaux du bordelais convertis au bio ou en lutte raisonnée, et dont la communication repose avant tout sur les réalisations spécifiques de ses clients. — ENTRETIEN.

Favorable à l’utilisation par les humains de produits pharma-Vacher_Gd_Francaisceutiques puisque votre entreprise en élabore, vous êtes pour la vigne un fervent adepte du bio…
De par ma formation scientifique je suis particulièrement sensi- ble à la notion de toxicité. Un médicament fait pour soulager les patients est toxique, sinon il ne serait pas actif, mais sa toxicité est circonscrite à son objectif thérapeutique, à ce qu’il soigne.
La vigne, elle, pâtit de la grande toxicité de tous les intrants chimiques appliqués dès le tout premier stade de son cycle saisonnier. Donc, pour le traitement des parasites et des maladies, entre 1990 quand j’ai repris le vignoble et 1999, j’ai choisi de procéder par lutte raisonnée, bien moins nocive pour la plante au plan chimique. Puis je suis passé en conversion bio et j’ai obtenu le label Ecocert en 2001.

Ecocert ?
C’est le label agriculture biologique. Depuis notre certification il y 14 ans, les agréments et les audits continuels attestent que nous sommes bien dans l’esprit et la lettre de l’agriculture bio. Je préfère d’ailleurs expliquer que nous travaillons en agriculture bio plutôt que dire que notre vin est bio : l’important c’est la bonne santé du fruit.

Le bio est un atout commercial ?
Le bio commence à être reconnu, c’est un moyen de se positionner au niveau qualitatif car l’appellation « Bordeaux Supérieur » n’est pas assez différenciante.

Chateau_Grand_FrancaisPourquoi avez-vous repris cette propriété ?
Par respect envers l’ascendance familiale,  même si je ne sais pas vraiment si « Grand Français » évoque la vaillance guerrière d’un ancêtre contre les occupants anglais ou bien sa haute taille, il y a toute une histoire, et puis je suis né ici.
Les bâtiments ont une certaine esthétique (ci-contre), et Saint-Émilion est une belle région, j’y suis attaché, c’est nostalgique. J’ai construit les chais attenants dans un esprit de tradition, de sobriété et je crois d’élégance.
De la propriété, nous voulons faire partager le vin mais aussi l’âme, plus faite de sentiments que de raisons économiques.

L’élégance, comment la recherchez-vous pour vos vins ?
L’élégance fait partie de la vie et pour le vin, elle passe par celle du milieu où il est élaboré, justement. L’élégance est l’image de marque de Grand Français et la feuille de route de son développement. Quand le millésime n’est pas bon, nous ne produisons pas : en 2012 et 2013, je me suis résolu à ne pas vendanger, la qualité des raisins ne correspondait pas à celle du vin que nous voulons pour nos clients. Et en 2014, nous n’avons pas ramassé les merlots, c’est le premier millésime qui sera assemblé de cabernet franc et de cabernet-sauvignon seulement.

Quelle approche clientèle avez-vous ?
IMG_2031 Les modes alimentaires continuent de changer, on se nourrit plus rapidement, et par ailleurs le vin devient un sujet culturel.
Alors pour nous adapter au goût du consommateur jeune nous avons dessiné un vin accessible, la cuvée Héritage (6,95 €).
Et notre premier vin, le Grand Français (9,50 €), cultivé et élevé avec beaucoup de rigueur, vinifié cépage par cépage, parcelle par parcelle, reste un vin chic, élégant, eh oui, et de terroir aussi : les sols de graves rouges (photo) lui confèrent richesse, minéralité, et longueur en bouche. Nous attendons 4-5 ans avant de les vendre. En ce moment c’est le 2010 qui est disponible.

 

Entretien réalisé le 11 février 2015 8:35 au Château Grand Français, Les Églisottes et Chalaures, commune de St-Antoine sur l’Isle (Gironde).
Blog : http://www.grand-francais.com/blog/