DANIEL J. BERGER

Si le millésime 2014 risque d’être problématique après les tornades de grêle des 6-7  juillet sur quelque
15 000 hectares, le millésime 2013, lui, a été qualifié d’exceptionnel dès décembre dernier — soleil au beau fixe pendant 320 jours comme leitmotiv, vendanges en octobre « comme avant », dont le caractère tardif est prometteur, en excellent état sanitaire, bref une année fabuleuse à l’égal de 1998 encore dans les mémoires.
Achevons notre exploration des AOC Languedoc* à la dégustation « Millésimes » organisée par le bureau du
CIVL (Comité Interprofessionnel des Vins du Languedoc), aussi sympathique que tonifiante.

Impossible, à cette manifestation accueillant la presse internationale, de se faire une idée du 2013 tant vanté. Pourquoi ? Il n’est pas prêt ? On prolonge le suspense ? Ne sais. On nous a présenté des cuvées 2012, 2011, 2010 et 2009, certaines plus anciennes encore, mais pas de 2013 : toujours pas compris.

2.      Sélection de 10 (sur 21) PIC SAINT-LOUP (rouges)
À la pointe nord-est de l’Hérault, à 20 km au nord de Montpellier, le massif du Pic Saint-Loup (650 m) prolongé par la montagne d’Hortus, offre ses pentes au vignoble le plus au nord du Languedoc: 900 mm à 1 m d’eau/an, 12° en moyenne annuelle, très grandes amplitudes thermiques jour/nuit jusqu’à x 6 (de 6° à 6h00 à 36° à midi). Le vignoble couvre 1 500 ha dont 800 plantés majoritairement en syrah, grenache et mourvèdre. Production : environ 25 000 hl (plus de 3 millions de bouteilles).

vignoble Languedoc

88/100
— Samuel Delafont 2011 (60% syrah, 40% mourvèdre). Beau vin cultivé et élevé en biodynamie, ample et généreux sans lourdeur, de la classe, sans doute un peu sec en finale. 16,35 ttc départ cave.
87/100
— Château l’Euzière, « L’Amandin » 2011 (syrah 70%, grenache 25%, mourvèdre 5%) : bonne attaque, bouche riche, beau drapé, puis un certain manque de finesse et surtout de longueur. Un bon rapport Q/P : 9,50 € ttc départ cave.
— Les vignerons du Pic, « Galabert » 2012 (syrah 60%, grenache 40%) : vin de plaisir sans restriction. Bon prix : 7,50 € ttc.
Bergerie du Capucin, « Dame Jeanne » 2012 (Syrah 70%, grenache 20%, mourvèdre 10%) : opulent, moelleux, large mais court en bouche. 12 € ttc.
86/100
— Jean-Christophe Granier, « Grandes Costes » 2011 (syrah 80%, grenache 15%, cinsault 5%) : bois un peu présent, arômes de garrigue, légèreté et souplesse. Mauvais rapport Q/P. 18,45 € ttc départ.
Château de Lancyre, « Vieilles vignes » 2012 (syrah 65%, grenache 35%) : bien élaboré et assemblé. Matière dense, tannins présents. Un vin de repas. Bon rapport Q/P : 10 € ttc.
85/100
Château de Lascaux, « Les Nobles Pierres » 2009 (syrah 80%, grenache 20%) : belle robe grenat clair, présence nette de la syrah et arômes d’herbe. Bonne concentration, équilibre et relative finesse. Cher : 19 € ttc départ cave.
Domaine familial de 40 ha sur Vacquières et Corconne repris en 1984 Par Jean-Benoît Cavalier (première vendange en 1990).
Chemin des Rêves, « Gueule de loup » 2011 (syrah 70%, grenache 30%) : nez séduisant de fruit mur, de garrigue, d’air tiède, mais manque de profondeur. Labour et traitement bio. Encore cher : 16 € ttc départ, puis
— Chemin des rêves, « Abracadabra » 2012 (Syrah 30%, grenache 30%, mourvèdre 30%, carignan 10%) : équilibre réussi de l’assemblage, belles touches végétales, une certaine fraîcheur. Labour et traitement bio. Bon rapport Q/P : 8,90 ttc départ.
83/100
— Chemin des rêves, « La Soie » 2011 (syrah 90%, grenache 10%) : belle matière mais sur-mûri à mon goût. Bien trop cher : 25 € ttc départ cave.

3.      Sélection de 4 autres AOC (18 vins)
MONTPEYROUXbouteilles vin
87/100
— Croix de l’Yeuse, « Domaine Cinq Vents » 2010. 18 €
Montpeyroux Coopérative Agricole, Rocquefeuil Grande Cuvée 2012. 13 €
86-87/100
Divem, « Les Initiales de Divem » 2012. 16 €
Domaine d’Aupilhac, « Aupihac » 2011. 14,60 €
— Domaine d’Aupihac, « Boda » 2011. 25,70 €
85/100
— Mas de la Fée Nomène, « L’Hort de la fée Nomène » 2012. 14,5 €
84/100
La Jasse Castel, « La Pimpanela » 2012. 10,80 €
83/100
— La Jasse Castel, « Bleu Velours » 2012. 24 €
ST-GEORGES D’ORQUES
86/100
Domaine Henry, « Villafranchien » 2011. 25 €
85/100
— Domaine Henry, « St-Georges d’Orques » 2010. 17 €
Château de l’Engarran , « Le Parc » 2010. 45 €
84/100
Domaine de la Marfée, « Della Francesca » 2011. 19 €
SAINT-SATURNIN
83/100

Domaine Virgile Joly, « Virgile » 2007. 29.60 €
Domaine Virgile Joly, « Saturne » 2010. 13,40 €
81/100
— Les vins de Saint Saturnin, « Lucian » 2010. 6 €
PÉZENAS
85-86/100

Domaine Conte des Floris, « Homo Habilis » 2010. 23 €
Domaine Pech Rome, « Florens » 2010. 9 €

Premières conclusions

L’accroissement général de la qualité est un fait acquis. On a goûté de bons vins, rarement encore de grands. La diversité des terroirs offre beaucoup de qualités et de profils de vins « modernes », avec une volonté de fraîcheur parfois obsessionnelle (fini le lourd et épais, l’ordinaire sans pesonnalité), et une recherche de différence identitaire. Mais on trouve encore trop de surboisé, de surlevuré, de surtannique ou de surmûri.

La feuille de route du Languedoc est bien sensible mais il ne faudrait pas confondre les objectifs et les résultats, ne pas se fixer des critères hors d’atteinte, résister à la tautologie de la qualité proclamée et déclamatoire. Même avec neuf femmes on ne fait pas un bébé en un mois. Laissez-vous le temps.

Résistez à la surévaluation systématique des prix : sur les 45 AOC notés ci-dessus et dans le précédent post, 13 sont sous les 10 € ttc (sans que la qualité n’en soit moindre); 13 entre 10 et 15 € et 12 entre 15 et 20 € (dont une moitié trop chers); et 6 au-dessus de 20 €, dont l’un à 49 €, se plaçant « hors » de prix. On comprend la volonté de l’interprofession de « premiumiser », de vendre plus cher une qualité supérieure. On observe en même temps que cette qualité n’est souvent pas (encore) là pour justifier une valorisation de prix. Le sud chauffe. Va-t-on vers des lendemains qui déchantent ?

On note en Languedoc comme dans d’autres régions de France où le vin était consommé dans les deux ou trois ans, une recherche (aléatoire) de grands crus et/ou de vins de garde. On n’y est pas encore mais le chemin est tracé.

À SUIVRE… ÉPISODE 4 : IGP (Indications Géographiques Protégées, anciens Vins de Pays)

* Les appellations de l’AOC Languedoc : déjà trop ?
À côté de l’AOC Languedoc proprement dit, dont 64 rouges étaient présentés (pas dégustés), les 19 appellations AOC Languedoc + appellation d’origine étaient là, et bien là. ci-dessous.
Languedoc (10 000 ha) : vins rouges, rosés et blancs. Cépages principaux pour le rouge et le rosé : grenache, syrah et mourvèdre (50 % minimum) complétés de cinsault et de carignan.
— Fitou, la plus ancienne AOC du Languedoc (2 600 ha) : rouge à partir du carignan et du grenache.
— Cabardès (650 ha) : 90% de rouge, 10% de rosé. Merlot, cabernets (sauvignon et franc), syrah et grenache doivent représenter au moins 40% de l’assemblage final. Clairette du Languedoc (100 ha exploités) : vin blanc 100 % clairette.
Corbières (17 000 ha) : vins rouge, rosé et blanc à partir du grenache, de la syrah, du mourvèdre, du carignan, du cinsault pour le rouge et le rosé ; du grenache blanc, du bourboulenc, du maccabeu, de la marsanne, de la roussanne, du vermentino pour le blanc. Appellation segmentée en quatre zones caractéristiques :
Corbières-Boutenac (1 429 ha) : vin rouge à partir du carignan (entre 30% et 50% de l’encépagement), du grenache, de la syrah et du mourvèdre.
Costières-de-Nîmes (4 500 ha) : vins rouge et rosé (92 %) et 8 % blanc avec comme cépages dominants :  grenache, mourvèdre, syrah, grenache blanc, marsanne et roussanne.Faugères (2000 ha exploités) : vins rouge, rosé et blanc. Syrah, grenache, mourvèdre, carignan et cinsault pour les vins rouges et rosés; roussane, grenache blanc, marsanne, vermentino (rolle) pour les blancs.
Limoux (1 800 ha , 9 Mb) :
Malepère (500 ha) : vins rouges et rosés. Cépage principal, merlot (minimum 50%); cépages complémentaires, cabernet franc, cot (minimum 20%); cépages accessoires, cabernet sauvignon, grenache, cinsault. Pour les rosés : cabernet franc (50%) et cabernet sauvignon, cinsaut, cot, grenache, merlot.
Minervois (500 ha) : 94 % rouge, 2 % blanc, 4 % rosé. Syrah, mourvèdre, grenache, lladoner pelut, carignan, cinsault, terret, aspiran, piquepoul pour le rouge. Marsanne, roussanne, maccabeu, bourboulenc, clairette, grenache, vermentino et muscat à petits grains pour les blancs.
Minervois La Livinière (2 600 ha) : vin rouge à base de syrah, mourvèdre et grenache (60 %) avec un complément possible de carignan, cinsault, terret et  piquepoul.
Saint-Chinian (3 300 ha) : 89% rouge, 10% rosé, 1% blanc. Grenache, syrah, mourvèdre, carignan, cinsault, lladoner pelut pour les rouges et rosés. Grenache blanc, marsanne, roussanne, rolle pour les blancs.
Muscat de Frontignan (690 ha, vin doux naturel): un vignoble situé entre l’étang de Vic La Gardiole et l’étang de Thau près de la commune de Frontignan. Sols argilo-calcaires avec des teneurs en sable plus importantes quand on se rapproche de la Méditerranée.
Muscat de Lunel (321 ha, vin doux naturel) : implanté autour de la ville de Lunel, entre Montpellier et Nîmes. L’appellation est située sur des sols de grès à cailloutis siliceux rouges qui peuvent atteindre des profondeurs considérables.
Muscat de Mireval (260 ha, vin doux naturel) : situé au bord de l’étang de Vic La Gardiole près de la commune de Mireval sur la route Montpellier-Sète. Des sols d’origine jurassique avec de nombreux éclats calcaires.
Muscat de Saint-Jean-de-Minervois (230 ha, vin doux naturel) : un vignoble situé à 250 m d’altitude sur des sols de calcaire alvéolé. Ce sont des sols très peu profonds où les éclats de calcaire se mêlent à de l’argile rouge.
La diversité et les spécificités des différentes régions ont permis la définition de grandes zones pédo-climatiques : Pic St Loup, La Clape, Grès de Montpellier, Terrasses du Larzac, Sommières, La Méjanelle, Saint-Christol, St-Drézery, Saint-Saturnin, Pézenas, Montpeyroux. Et enfin, Picpoul de Pinet (blanc uniquement, 100 % Piquepoul).
Sources diverses dont CIVL. Chiffres 2012.