DANIEL J. BERGER

Avec plus de 8 000 bouteilles du monde entier dégustées pendant trois jours, le Concours Mondial de Bruxelles est devenu un capteur de tendances et de mutations du goût du vin sur la planète.
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Le vin réunit les peuples : autour d’une bouteille, surgit l’amitié » assène Louis Havaux, le fondateur de ces championnats du monde des vins, devenus itinérants d’un pays producteur à l’autre. Pour son 20ème anniversaire, le CMB effectue un retour aux sources à Bruxelles même.
Suite et fin de l’interview de Bernard Sirot, directeur technique du
CMB.

Comment expliquer que le concours soit né en Belgique ?
Il existait déjà un « Mondial des vins de Bruxelles ». Avec Louis Havaux, mon père spirituel, nous avons réfléchi à la création d’un concours se déroulant en Belgique, en tant qu’un des principaux pays consommateurs, hors production, et la 1ère édition a eu lieu à Bruges. Puis le fils de Louis, Baudouin Havaux, nous a rejoint et le projet s’est développé tranquillement mais sûrement jusqu’à aujourd’hui : nous avons commencé en 1994 avec 650 échantillons et nous en sommes à 8 060 en cette 20ème année.

Vous êtes vous-même belge, journaliste passionné, exploitant avec votre épouse un vignoble en Sauternais depuis 21 ans… Le vin, une passion belge ?
En tout Belge réside un consommateur de vin, en tout consommateur de vin un curieux, et le Belge est curieux par nature. Quand je disais « hors production », c’était plus vrai il y a 20 ans qu’aujourd’hui : cinq à sept vignobles se créent chaque année en Belgique, entre Sambre et Meuse pour la plupart, et nous en sommes déjà à une centaine. Avant la bataille de Waterloo, pour éviter toute concurrence avec la France, Napoléon avait demandé la destruction du vignoble belge. Il renaît maintenant, une preuve de plus de l’intérêt des Belges pour le vin.

Depuis 20 ans, vous voyez évoluer les vins de chacun des pays en compétition, donc le vin en général. Sur la période 1994-2014, quelles tendances majeures avez-vous pu observer, en termes de production comme de consommation ?
La plupart des participants des pays de l’Est et de l’hémisphère sud nous arrivent avec des vins avec une qualité accrue à chaque édition, pouvant rivaliser avec ceux des trois ou quatre premiers grands pays européens, qui intéresse la clientèle de l’UE. En général, on voit apparaître des vins plus plaisants, aimables, élégants et innovants, recherchant la finesse plus que le muscle et le fruit plus que le boisé, dans une quête perpétuelle de qualité.

Quels traits ont le plus varié ? Inversement, quelles caractéristiques ont le moins bougé ?
Je vois peu d’invariants, tout évolue vite… Il y a un point commun qui concerne l’ensemble des pays producteurs comme non producteurs, c’est l’élévation du degré d’alcool. Et sans doute aussi une prise de conscience de la consommation du vin de plus en plus immédiate.

Les donneurs de notes du CMB sont eux-mêmes notés, selon une grille établie par l’Institut de Statistique de l’Université Catholique de Louvain. Comment leur notation individuelle est-elle prise en compte ?
Les juries sont composés de cinq ou six dégustateurs de culture et de valeurs différentes, un Chilien à côté d’un Néerlandais, un Français, un Américain, ou un Géorgien. Le premier vin de la 1ère série quotidienne (15 à 20 vins par série, 3 séries par séance, 3 jours consécutifs) sert de calibrage, une mise en bouche qui permet aux jurés d’échanger leurs notes en les commentant, pour que le jury adopte une approche commune et une ligne cohérente.

De quelle manière les jurés sont-ils encouragés à en tenir compte ? Certains sont-ils prévenus de leurs « erreurs » et des « améliorations » attendues d’eux ?
Le principe est de dépasser sa propre approche du vin. Il est attendu d’un juré qu’il atteigne un équilibre entre son goût personnel et les critères de qualité universels. Il peut ne pas trouver un vin à son goût tout en lui reconnaissant les qualités de franchise et de buvabilité admises par la majorité des jurés, et le noter en conséquence. Un juré qui s’éloigne trop de la moyenne des notes de son jury est averti. Et il existe des marqueurs pour observer les écarts de notation trop criants, comme celui d’un vin présenté deux fois dans la même série et qui doit obtenir la même note, ce qui n’est pas toujours le cas.

Combien de vins chinois vont-ils participer au CMB 2014 ?
Nous avions 30 échantillons chinois en 2013 et en avons 63 cette année. À ce rythme, la participation chinoise va vite s’accroître ! Les Chinois sont un peuple très intelligent, ils disposent de beaucoup de terroirs qualitatifs et leur référence  est Bordeaux, là où ils achètent : à titre de comparaison, en 2013 il y avait en Gironde 34 propriétés belges contre 30 chinoises, et un an plus tard même nombre pour les Belges mais 74 pour les Chinois. On suppose que déjà 80-85% de leur consommation proviennent de la production domestique contre 15-20% de l’importation. Leur objectif est d’atteindre l’autosuffisance d’ici quelques années, puis de passer au stade de l’exportation.