PHILIPPE MEYER, TOUTOLOGUE

Auditeurs sachant auditer,

les Français boivent moins de vin mais du meilleur.
C’est une évolution réjouissante et que l’on observe partout dans le monde.

 

S’il y a un domaine dans lequel on peut parler de progrès c’est bien celui de la vigne.

L’arrivée de vignerons décidés à exprimer leur terroir et d’œnologues soucieux de les y aider, l’élévation du niveau de vie global depuis une demi-siècle, le rejet du productivisme qui conduisait certains viticulteurs à charger les ceps de grappes toujours plus nombreuses et toujours plus pesantes, les effets d’une meilleure éducation et d’une plus grande ouverture sur le monde, autant de facteurs qui ont contribué à nous faire boire avec plaisir aujourd’hui des vins dont la seule provenance provoquait hier une rejet moqueur.

L’une des disciplines qui s’est le plus enrichie ces dernières années est l’ampélographie dont l’objet essentiel est l’étude des cépages. Il existe au monde près de 10 000 cépages mais 20 d’entre eux représentent 80% de la production mondiale.
Or, les consommateurs sont de plus en plus nombreux à souhaiter découvrir des vins issus de cépages locaux, originaux et historiques et les viticulteurs sont aussi de plus en plus nombreux à en prendre le risque. Des 10 000 cépages existants,
7 500 sont conservés depuis 1876, époque maudite du phylloxéra, dans l’Hérault, au Domaine de Vassal.

L’INRA* qui en a la charge, explique que les nombreuses variétés conservées sont issues de régions et de pays très divers, et certaines ne sont plus cultivées qui constituent un patrimoine culturel et historique. L’érosion génétique rend nécessaire ce type de conservatoire car aujourd’hui il serait impossible de reconstituer une telle collection. Le Domaine de Vassal est donc un outil de connaissance et de formation de première importance pour les professionnels et le public. Cette espèce de bibliothèque des vins est à l’origine du renouveau de vieux cépages.

Vous vous doutez que si je vous en parle, c’est que ce conservatoire est menacé. Il l’est parce que les vignes sont implantées sur des terrains privés, ce qui engendre des coûts de gestion importants et l’époque est à raboter les coûts. Mais la menace vient aussi des aléa du réchauffement climatique : le Domaine de Vassal est situé à 1,50 m au-dessus du niveau de la mer, et risque d’ici quelques décennies d’être affecté par une éventuelle remontée des eaux salines du littoral méditerranéen.

Donc, l’État envisage de déménager le conservatoire des cépages. Il lui faut s’engager à ce que ce déménagement ne soit pas effectué trop vite et assurer que les considérations d’économie immédiate ne conduiront pas à amputer ce patrimoine exceptionnel de celles de ses pièces à qui on ne reconnaît pas aujourd’hui une utilité, mais dont on peut s’apercevoir demain qu’elles sont indispensables. Au fond, c’est un peu comme les peintures que l’on peut voir au Musée d’Orsay et qui ont bien failli être exclues de notre connaissance parce qu’elle ne correspondaient à une certaine mode à un certain moment.

Le ciel vous tienne en joie !

* Institut National de la Recherche Agronomique.