D’après SUD OUEST 04.07.2012
Le Château Calon-Ségur à Saint-Estèphe vient d’être vendu à Suravenir Assurances, filiale du Crédit Mutuel.
Estimé à près de 170 millions d’euros, c’est à ce jour la plus grosse transaction viticole de l’année 2012.
Calon-Ségur, 3ème Cru Classé de Saint-Estèphe et l’un des perles de l’AOC, est cédé par la famille Capbern-Gasqueton à Suravenir Assurances. Un protocole a été signé vendredi 29 juin, juste avant la date butoir du 30 fixée par les parties. C’est la plus importante transaction vinicole de l’année à Bordeaux. L’acquisition devrait être effective avant l’hiver.
Calon-Ségur était l’une des rares propriétés du Médoc appartenant à la même lignée depuis 1894, année d’achat par Georges Capbern-Gasqueton et son oncle Charles Hanappier, restée dans la famille tout le XXème siècle, et dirigée à la fin par Philippe Capbern Gasqueton, puis par son épouse Denise de 1995 jusqu’à sa mort en 2011.
Calon-Ségur est l’une des vieilles maisons nobles les plus authentiques et les plus belles du Médoc (ci-dessous). Les origines en remontent au XIIème siècle, alors principal fief des seigneurs de Lesparre, lorsque le Médoc était encore une presqu’île marécageuse. Jusqu’au XVIIIème siècle la commune s’est appellée St-Estèphe de Calon.
La cession concerne les deux propriétés de la famille Capbern-Casqueton : Calon-Ségur 3ème Cru Classé en 1855 (75 ha dont 55 de vignes) et Capbern Gasqueton ancien 2ème vin du précédent, devenu un Cru Bourgeois très coté (38 ha plantés), soit au total 93 hectares classés en AOC St-Estèphe.
« Cette vente est pour notre famille un crève-cœur », explique Alain de Baritault, époux de d’Hélène Capbern-Gasqueton. Elle avait pris la tête des propriétés à l’automne dernier, quelques semaines à peine après le décès de sa mère, Denise Capbern-Gasqueton, personnalité médocaine respectée et redoutée. Malgré la volonté affichée par Hélène Capbern-Gasqueton de continuer à porter le flambeau, ses deux nièces, également actionnaires, l’ont entendu autrement. « Il devenait alors impossible de leur régler leurs parts, vu les montants financiers », explique-t-on. La vente devenait inévitable.
D’après nos informations, la transaction, dont le montant n’a pas été révélé, avoisinerait 170 millions d’euros. Mais il existe des clauses de variation de prix dans le contrat. « Le terroir de Calon-Ségur est exceptionnel, et le prix ramené à l’hectare est ici plus élevé que pour les dernières grandes transactions dans le Médoc, que ce soit à Montrose (St-Estèphe), à Lascombes (Margaux) ou à Pichon Longueville Comtesse de Lalande (Pauillac) », estime un proche du dossier.
Il faut aussi tenir compte de la valeur des stocks — en l’espèce loin d’être négligeable — pour tout calcul d’estimation du foncier. « C’est une affaire extraordinaire, qui pourrait atteindre 200 millions d’euros », confirme un expert de ces transactions qui regrette de ne pas avoir pu faire d’offres au vendeur.
« Calon-Ségur est une belle endormie dont les bouteilles se vendent bien, une des rares réussites de la campagne des ventes en primeur du millésime 2011 », confirme un courtier de la place bordelaise. Ce château, dont l’étiquette arbore un joli cœur rouge, vaut entre 50 et 90 € la bouteille, suivant les millésimes.
Hélène Capbern-Gasqueton et son mari, le vicomte Alain de Baritault (ci-dessus) : « Cette vente est pour nous un crève-cœur. » À la mort de sa mère en septembre 2011 à l’âge de 87 ans, sa fille Hélène, œnologue formée par Jean Ribéron-Gayon et Emile Peynaud, qui avait entre les mains la direction opérationnelle des propriétés familiales depuis 40 ans, jurait qu’elle en resterait propriétaire et continuerait de manager l’exploitation. Rien ne la ferait changer d’avis disait-elle, affirmant rester fidèle au célèbre adage du marquis Nicolas-Alexandre de Ségur, devenu par son mariage propriétaire de Calon au XVIIIème, en plus de Lafite, de Latour et aussi de Mouton, surnommé le prince des vignes par Louis XV, qui disait : « Je fais du vin à Lafite et à Latour, mais mon cœur est à Calon. » (photo Laurent Theillet).
Plus cher que le Médoc
La société Suravenir Assurances est l’acquéreur. C’est une filiale du groupe bancaire Arkéa, qui réunit trois fédérations du Crédit mutuel : Bretagne, Massif central et Sud-Ouest. Suravenir, spécialiste de l’assurance-vie, gère 25 milliards d’euros d’actifs pour 1,8 million de clients.
Jean-Pierre Denis, président d’Arkéa et du Crédit Mutuel de Bretagne, s’explique sur cette acquisition, une première pour la banque mutualiste dans le monde du vin. « Nous cherchions, sans précipitation, une propriété de renom. Calon-Ségur possède un fort potentiel de valorisation. Comme toute compagnie d’assurances, nous diversifions nos actifs. Cet investissement à long terme a une logique économique mais aussi territoriale : le sud-ouest est un de nos bassins d’activité de référence. Nous y renforçons notre présence, et de plus dans un domaine d’excellence. »
L’homme, qui fut secrétaire général adjoint de l’Élysée sous Jacques Chirac, compte aussi sur Jean-François Moueix pour réussir. Personnalité reconnue du Bordelais (négoce Duclot, Château Petrus à Pomerol, …), ce dernier est intervenu dans le dossier. Comme il l’avait fait d’ailleurs pour le voisin Château Montrose, autre cru classé de St-Estèphe, quand les frères Bouygues l’avaient acquis en 2006. Dans les deux cas, Jean-François Moueix (groupe Videlot) est actionnaire minoritaire.