Rappel du FIGARO

Quelques jours avant Noël, l’Etat a apporté aux producteurs du Médoc un cadeau inespéré : la renaissance des Crus Bourgeois. Cette mention peut  figurer à nouveau sur les bouteilles à partir du millésime 2008. Épilogue heureux d’une farce tragi-comique qui a débuté le 17 juin 2003.

Ce jour-là est publié un arrêté ministériel classant 247 châteaux du Médoc « crus bourgeois », dont 87 « supérieurs » et 9 « exceptionnels ». Aussitôt, 80 châteaux non classés attaquent l’arrêté. Pour eux, le coup est rude : en perdant le droit d’apposer la mention Cru Bourgeois sur leur étiquette, usage en vigueur depuis 1932, c’est la valeur même de leur propriété qui s’effondre.

Après de nombreux rebondissements juridiques, le classement est annulé le 27 février 2007 par la Cour Administrative d’Appel de Bordeaux : « il était impensable de voir disparaitre d’un trait de plume les crus bourgeois, dont l’origine remonte au XVème siècle » s’insurge Thierry Gardinier, président de l’Alliance des Crus Bourgeois et propriétaire de Phélan Ségur. Face à ce risque, les ennemis d’hier signent alors la paix des braves et se regroupent dans l’Alliance qui est mandatée pour négocier avec les pouvoirs publics un nouveau statut. Thierry Gardinier obtiendra du ministère de la consommation et celui de l’agriculture la reconnaissance de la mention « Cru Bourgeois ».

Un examen désormais annuel

Il ne s’agit plus d’un classement, mais d’un label décerné chaque année aux châteaux, valable uniquement pour un millésime précis, et accordé deux ans après la récolte. Ainsi, la reconnaissance Cru Bourgeois sera accordée cette année au millésime 2008. Pour y prétendre, chaque candidat doit d’abord respecter un cahier des charges précis, dont l’application est contrôlée par un organisme indépendant, en l’occurrence le Bureau Veritas. « Tous les candidats sont systématiquement visités » précise Thierry Gardinier.

Puis, chaque domaine présente son vin à un comité de dégustation composé de professionnels reconnus au cours d’une des cessions organisées entre mars et juillet. Si le vin est agréé à cette issue, le château est autorisé à apposer sur son étiquette la mention « Cru Bourgeois ». En cas d’échec, il a la possibilité de représenter son vin à une autre cession de dégustation. Et à partir du 15 septembre, l’Alliance des Crus Bourgeois publie la liste de l’ensemble des domaines ayant obtenu la reconnaissance.

« Pis-aller »

Cette reconnaissance n’est pas un classement à proprement dit, puisqu’il ne couronne pas un domaine, mais le seul vin d’un millésime précis. Et il n’est plus question de hiérarchie, comme c’était le cas en 2003, lorsque le classement distinguait les exceptionnels, les supérieurs et les crus bourgeois.  « Un pis-aller » semblent regretter certains châteaux qui ne participeront pas à l’aventure. Tel est le cas par exemple des stars médocaines qui choisissent de continuer à faire vivre le souvenir du classement de 2003 en se regroupant sous la bannière « Les Exceptionnels ».

Huit des neufs châteaux anciennement classés « Exceptionnel » ont ainsi décidé de poursuivre ensemble une aventure parallèle. Chasse Spleen, Poujeaux, Pez, les Ormes de Pez, Potensac et Siran ne feront ainsi pas acte de candidature pour la reconnaissance « Cru Bourgeois», de même que Labegorce Zédé, qui fusionne avec Labegorce Margaux à compter du millésime 2009, l’autre propriété de la famille Perrodo. Seul Phélan Ségur a décidé de présenter son vin au jury de l’Alliance.

Pour leur part, Haut-Marbuzet, ancien cru « Exceptionnel », continue désormais son chemin en solitaire, de même que Gloria ou Sociando-Mallet, la propriété de l’ineffable Jean Gautereau, qui avait déjà refusé de se présenter au classement de 2003. Il faut dire qu’aujourd’hui, ces trois « marques » ont une telle notoriété qu’elles peuvent se passer de la reconnaissance « Cru Bourgeois ».

D’après Frédéric Durand-Bazin
Consulter la liste actualisée sur le site de l’Alliance des Crus Bourgeois
Lire aussi « Le Nouvel élan des CB » in Sud-Ouest du 22.10.10 et « La Renaissance des Crus Bourgeois » par Bernard Burtschy, in Le Figaro du 16.10.08.
Et relire nos posts des 01.12.09 et 02.03.09.