LINCOLN SILIAKUS

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Comme si le monde du vin français n’était pas assez vivant, un certain nombre de ses people se sont retrouvés le jeudi 19 novembre pour l’inauguration du salon Autrement Vin au « 104 » à Paris…

Traduction française du billet de Lincoln Siliakus posté le 24.11.

 

Les Français ont bien des façons d’exprimer leur créativité — s’asseoir à un café en lisant Le Monde Diplomatique; déambuler boulevard Saint Germain vêtu autrement qu’en noir; laisser l’étiquette « Vientiane » ou « Hobart » sur son sac à dos après atterrissage à Paris. La meilleure reste quand même l’exercice de manipulation des règles : les occasions abondent, car la France en pond en bien plus grand nombre qu’elle n’a de fromages.

Pour les viticulteurs prestidigitateurs/manipulateurs de règles accourus à Paris pour ce très original salon Autrement Vin, l’exercice se déroulait sur la base de quatre catégories : les inclassables (29 vins présentés), les innovants (19), les oubliés (15) et les durables (19).

Les inclassables comprenaient des vins refusés à l’agrément de typicité de leur appellation, ou issus de cépages non autorisés dans leur zone d’appellation, et donc commercialisés en « vin de table ». Cela allait d’un zinfandel du Languedoc à un beaujolais extrait comme un bourgogne; ou encore à un malbec de Bordeaux vinifié lui aussi à la bourguignonne.

Les innovants incluaient notamment un champagne sans ajout de liqueur; un rosé de Provence structuré comme un bourgogne blanc et vendu très cher; ou un Saint-Émilion (où le merlot est roi) à majorité de cabernet, avec fermentation en barriques de chÍne maintenues en rotation lente.

— Parmi les oubliés, on trouvait des vins issus de cépages en quasi déshérence comme le mauzac ou le bourboulenc (ou malvoisie); et de vignes franc de pied (non greffées).

— La catégorie des durables regroupait des bouteilles de vignerons particulièrement respectueux de l’environnement y compris ceux pratiquant la biodynamie.

Comme cela était prévisible, un débat entre le critique français le plus en pointe Michel Bettane et le vigneron de Cairanne Marcel Richaud, a dès la première question de l’assistance, dégénéré en un remarquable bavardage à la française. Sur ce coup, les Australiens auraient aussitôt sauté sur l’occasion de faire leur promotion…

Mais non, ici on observe une relation pathologique entre les citoyens et les bureaucrates censés les protéger (contre le perfide Anglo-saxon bien sûr mais aussi depuis quelque temps contre le roublard Chinois) mais dont l’incompétence est inhérente à la fonction, qui les fait se rejoindre pour attaquer ensemble le système.

Chacun avait l’air d’accord sur la nécessité de la réglementation pour garantir la réputation de chaque vignoble ou appellation, mais aussi que les règles doivent être suffisamment souples pour laisser à chacun une totale liberté de mouvement (c-à-d vidées de leur substance).

Si les viticulteurs sont souvent dotés d’un tempérament fort, les manipulateurs de règles sont, eux, particulièrement pittoresques, tout frétillant à l’idée d’un nouveau papotage. Les journalistes de vin à l’ancienne et la communauté croissante des bloggers ressemblaient à ces personnages de films sans public où les couteaux sortent plutôt pour régler une conversation de diner en ville qu’une bagarre de rue.

img_00551Le blogger vedette Jacques Berthomeau (ci-contre), l’œnologue-gérante du salon Sophie Pallas, la journaliste Myriam Huet également œnologue, et le chroniqueur de Gault & Millau Pierre Guigui ont su animer le salon avec un panache fort sympathique.

Sans oublier notre Daniel Berger aux airs de limier en imperméable moutarde, qui n’en manquait pas une.

 

Les 82 vins allaient de bon à excellent, les discussions étaient passionnées et il a été réconfortant de voir que la présence de l’intelligentsia française du vin voulait dire quelque chose : nul doute que cette première édition d’Autrement Vin sera suivie d’autres.

L’événement a été organisé avec professionnalisme par l’Agence Vinifera de Toulouse.
Myriam Huet a publié Tout savoir sur le vin aux éditions Minerva (2004)