DANIEL J. BERGER

Présentation du millésime 2007 jeudi 22 octobre 2009 au Palais des Congrès à Paris par l’Union des Grands Crus de Bordeaux (133 membres).
Je me suis concentré sur les Sauternes (
1ers vins uniquement dans l’ordre ci-après).
Année exceptionnelle.

À tout seigneur, Alexandre de Lur Saluces, tout honneur. image000110
Il verse son Chateau de Fargues « qui sera encore fort jeune à 50 ans. En ce moment je bois le 1943. La longévité du Sauternes n’est plus à vanter. Quand j’étais à Yquem, j’ai assisté à un dialogue de connaisseurs :  » le 1811 n’est pas mal, mais… il ne vaut pas le 1806 !« 

Un 2007 exquis, superbe de fusion après deux années en barrique; parfum floral-minéral léger; douceur de confit juste vanillé; soupçon de gras qui saura s’éthérer (134 g sucre/litre). 15 hectares, 15 000 bouteilles/an, soit 1000 bouteilles/hectare !

Dessin Arnaud Faugas tiré de « Bordeaux en mouvement », Mollat, 2007

Château Coutet — 1er Cru Classé, Barsac (38,5 ha, 50 000 b/an).
« Ce 2007 va faire le siècle » renchérit le propriétaire Philippe Baly : un équilibre parfait qui laisse détecter, surtout quand c’est lui qui le dit, le terroir d’argile. On sent plus le terroir sur les Barsac (voir * et carte ci-dessous).

Rayne Vigneau 1er Grand Cru Classé (je croyais qu’à ce niveau de classement, appelé aussi 1er Cru Supérieur, il n’y avait que Château d’Yquem). Déjà ouvert, avec une acidité et un fruité plus présents que chez les précédents, avec pourtant 132 g sucre/l. Déjà une très grande complexité. 80 ha, de 0 à 120 000 b/an, ce qui veut dire que certaines années considérées médiocres, Rayne Vigneau ne commercialise rien (présentation Alessia Amighetti).

Doisy Daëne2nd CC, Barsac. Dans la famille Dubourdieu depuis 1924. Denis Dubourdieu y est en charge depuis 2000. Damien Ducros, qui présente, murmure que la minéralité est ici toujours plus présente que chez les voisins. C’est sans doute le vin le plus « terroir » de l’ensemble. 16 ha, 40 000 b.

Guiraud — 1er CC, à la fameuse étiquette noire. Encore un peu fermé, riche, très riche, « avec le concentré du 2005 et la finesse du 2006 » remarque la propriétaire Laure Planty, « et des nuances exotiques d’ananas frais et de lichi » (130 g sucre/l). « Nous ne vendangeons pas en dessous de 21° potentiels« . 85 ha, 100 000 b/an.

La Tour Blanche 1er CC. Robe plus claire que celle des précédents vins. Le souci permanent est d’équilibrer sucre (150 g/l !) et acidité, point-clé de cette fraîcheur qui fait les grands liquoreux. 40 ha, 60 000 b/an (Denis Frechinet).

Lafaurie-Peyraguey 1er CC. À la fois de la légèreté et de la simplicité, disons une complexité moins prononcée que chez les précédents. Une douceur qui transporte. 41 ha, 80 000 b/an.

Nairac 2nd CC, Barsac. Splendide minéralité, séduction par la fraîcheur, fruité malgré une concentration et une richesse (145 g sucre) remarquables : « même riche on peut ne pas être lourd » commente avec malice Eloise Heeter, une des filles de la propriétaire. 16 ha et 15 000 b/an, le plus bas rendement des vins présentés.

Sigalas-Rabaud 1er CC (prononcer Sigalah). « C’est le plus Barsac des Sauternes«  explique le marquis Gérard de Lambert des Granges, fier de son « bijou de terroir, qui confère une légèreté et une finesse incomparables » au dernier CC 1855, ses ancêtres ayant hésité à se lancer alors dans la vigne « capricieuse, dangereuse, plus chère qu’une maîtresse« . C’est le plus petit des 1ers CC (14 ha, 30 000 b/an), l’autre 1er CC dans la famille étant Rabaud Promis (prononcer Promisse).

Suduiraut 1er CC. Finesse et richesse aussi, sucre (130 g/l) et acidité, du botrytis pur avec une note de tabac. 90 ha, 96 000 b/an (présentation Caroline Dedieu).

Climens 1er CC, Barsac. Bérénice Lurton, enceinte, est absente, c’est Fanny Gavrard qui fait déguster. Nous sommes à 155 g de sucre/l et 3.7 d’acidité. L’équilibre est là, plus Sauternes que Barsac cette fois. 30 ha, 30 000 b/an, soit 1000 b/ha.

Broustet 2nd CC, Barsac. Guillaume Forcade dit que « les cailloux et parfois les topazes captent si bien la chaleur qu’avec l’effet du botrytis, ils donnent aux raisins leur fameux rôti ». 16 ha, 30 000 b/an.

Bastor-Lamontagne Sans doute l’un des plus légers Sauternes, facile à boire dès sa jeunesse tel ce 2007, avec l’un des meilleurs rapport Q/P (de 12 à 15 €). 56 ha, 100-120 000 b/an (présentation Laura Black).

Une telle dégustation sérielle fait prendre conscience des surprenantes différences entre les Sauternes pourtant si caractéristiques et apparemment semblables, au liquoreux si reconnaissable, non seulement d’un terroir à l’autre mais aussi d’un vin à l’autre d’un même terroir. Merveilleux mystère.

Constantes de ce 2007 :
— la longévité, mais certains Barsac sont consommables sans attendre;
— l’équilibre entre richesse et acidité;
— Les prix élevés (pas d’indications, qui aime ne compte pas); les degrés aussi (aucun vin sous 13,5°);
— Les moins bien classés 1855 se sentent peut-être plus libres pour nous offrir des surprises originales de fraîcheur et de structure comme les deux Barsac Doisy Daëne et Nairac.

Ne participaient pas : Malle, Doisy Védrines. Rieussec et Yquem qui ne sont pas membres de l’UGC, ni Filhot, ni Myrat.

(*) Sauternes comprend 85 crus répartis sur 5 communes c-à-d, du nord au sud (carte des mb UGC ci-dessous) : Sauternes, Fargues, Bommes, Preignac, Barsac, cette dernière étant elle-même une appellation, à laquelle celle de Sauternes reste accolée. Le vignoble est planté en sémillon en majorité, et en sauvignon et muscadelle. Rappel : en l’absence de botrytis cinerea, ou « pourriture noble », fait rare, les châteaux ne signent par leur vin. image00013