DANIEL BERGER
gouts261
En réaction à l’article de J-P Géné Yes We Drink ! la lettre déposée à son adresse courriel jpgene@noos.fr

Cher JP Géné,

l’intitulé de votre rubrique au Monde 2 est Goûts. L’article du n° 261 du 14.02.09 est lié en partie au dégoût. Pourquoi pas ? Sur notre blog pluriel <http://mtonvin.net> ouvertement tourné vers les vins du monde, nous envisageons de lancer un « Worst Of », un référendum des pires vins de l’année.

Mais ce dégoût ne va pas à un vin, mais à un homme, président de la République française, accusé dans vote article titré Yes We Drink ! consacré au goût supposé de Barack Obama pour le vin (américain), de n’en avoir aucun pour ce breuvage. Où serait le mal ? À quoi bon ce persiflage ? Nous signifier votre ralliement par le biais du vin, au bien ringard TSS (Tout Sauf Sarkozy) ? Sans doute la braderie de la cave de la mairie de Paris est-elle plus vertueuse ou bobo que la prétendue réduction des frais de cave de l’Elysée (là encore, pourquoi pas ?).
Vous mentionnez les vins californiens du déjeuner d’inauguration à la Maison Blanche (photo) – sauvignon Duckhorn, Napa Valley 2007, pinot noir Goldeneye, Anderson Valley 2005, champagne Korbel, Russian River Valley.

obama-wine

Est paru récemment en traduction française Le Jugement de Paris. Ce livre raconte notamment la fameuse dégustation de 1976 à Paris, où un jury français trié sur le volet a classé à l’aveugle trois vins californiens devant Mouton Rothschild, Montrose et Haut-Brion (jugement confirmé 30 ans plus tard dans les mêmes conditions à Paris encore, où cette fois quatre vins de Californie et un de Long Island se sont classé aux cinq premières places, devant les mêmes trois grands Français d’ailleurs dans le même ordre qu’en 1976). Le Jugement de Paris est en réalité le récit passionnant de l’ascension des vins de Californie, et des vins américains en général, les USA allant bientôt devenir le premier marché en volume et en valeur.

Nous serons attentifs à votre perception de ces vins « nouveau monde » offensifs en bouche, puissants, alcooleux, boisés souvent, parfois ostensiblement fruités – standards de goût que les viticulteurs du Chili, d’Argentine, d’Australie ont fait leurs, prônés aussi par les super riojans, et les super toscans dont certains sont bien sûr de grands vins (Castello del Terricio !), et peut-être bientôt les super languedocs.

Parlons-nous du goût ou du marché américain ? Car pour vendre au prix des bons vins US, 40-50 € entrée de gamme, en étant peut-être un peu moins chers, ne vaut-il pas mieux avoir leur profil et accepter le « benchmark » ?

En passant, les caractéristiques gustatives de ces « super vins » ne relativisent-elles pas les attaques contre les bordeaux soi-disant parkerisés, qui sauf égarements un peu trop nombreux il y a quelques années, font pourtant preuve d’une vraie constance classique et traditionnelle et continuent à mener le goût et le marché par le haut. Est-il juste de vouloir préserver cet absolu d’excellence ou bien les « avancées » (du goût ou de la mode ?) se trouvent-elles plutôt du côté des vins locaux et artisanaux, des vins de table hors AOC, des vins de marque ?

Daniel Berger, éditeur de Mmmm… ton vin! <http://mtonvin.net>