DANIEL J. BERGER

Jérôme, le grand roman oublié de Jean-Pierre Martinet, est reparu après 30 ans d’absence aux éditions Finitude (novembre 2008).
Publié pour la 1ère fois au
Sagittaire en 1978, il était devenu introuvable, on ne parlait plus de ce livre-monstre qui résonne comme un éclat de rire terrifiant. Cette réédition est augmentée de textes de ses amis éditeurs Alfred Eibel et Raphaël Sorin, et contient trois chapitres inédits avec une nouvelle fin.
Admirateurs et détracteurs vont enfin pouvoir le (re)lire et connaître le frisson du pire, sans aucune modération !

L’histoire est simple : obsédé par Polly, la jeune fille qu’il croit aimer, Jérôme Bauche se lance dans une quête hallucinée, alcoolique, dantesque à travers une ville étrange, un peu Paris un peu Saint-Petersbourg, où il s’enfonce irrémédiablement vers l’enfer et nous y entraîne avec lui, de gré et de force.

Jean-Pierre Martinet est né à Libourne en 1944. Élève brillant, il consacre d’abord sa vie au cinéma qu’il étudie à l’IDHEC et devient assistant-réalisateur à l’ORTF. Mais son désenchantement est rapide. Le cinéma, cette “taule” disait-il, ne lui donne pas sa chance et en 1978, à 34 ans, il renonce à réaliser son film et achète un kiosque à journaux à Tours avec un héritage.

Cette désillusion coïncide avec la rédaction de Jérôme. Comme tous les livres de Martinet, il est empreint de cinéma et la passion de l’auteur pour l’expressionnisme allemand y est patente. Son premier roman, La Somnolence (J.-J. Pauvert 1975), lui a attiré la reconnaissance de certains critiques qui ont salué sa virtuosité. Mais Martinet, qui rend hommage à ses maîtres — Joyce, Dostoïevski, Gombrowicz, Lowry, Céline — est loin de faire l’unanimité car ses récits sont d’un pessimisme sans bornes. Cette noirceur, on l’avait reprochée encore à Jérôme, d’une beauté vicieuse et désespérée.

En 1986 ont paru deux romans, L’Ombre des forêts (La Table Ronde) et Ceux qui n’en mènent pas large (Le Dilettante), puis Martinet a cessé d’écrire. Et comme le héros de Jérôme, il est revenu vivre chez sa mère à Libourne, à plus de 40 ans, pour sombrer définitivement dans l’alcool qu’il pratiquait depuis longtemps. Il est mort hémiplégique en 1993, à 49 ans.

Source: France-Culture – 03.01.09

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Je n’ai pas encore en mains la nouvelle édition de Jérôme.
J’ai très bien connu Jean-Pierre Martinet, un peu à l’IDHEC et surtout après, où nous communiâmes dans l’aventure de la revue Matulu avec Michel Mourlet, Alfred Eibel, Roland Duval et Jacques Lourcelles.
Je ne l’ai malheureusement plus revu après son exil tourangeau et sa fin tragique à Libourne.
C’était aussi un merveilleux poète, proche de Jean Follain.
Son court roman Ceux qui n’en mènent pas large devait être tourné par Pierre Rissient. Le projet n’a pas abouti (et Rissient n’a plus rien tourné, encore une affaire assez énigmatique).

Michel Marmin – 04.01.09