CATHERINE BERNARD

Une étude sur les produits nocifs dans les vins français passée totalement sous silence en France.

Sur le chemin de mes vignes, le pompon de la pomponnette, conséquence d’une viticulture tout chimique… (Photo Catherine Bernard)Sur le chemin de mes vignes, conséquence d’une viticulture tout chimique (Catherine Bernard)

L’information est arrivée à bas bruit. Pas comme toutes ces études épatantes qui nous disent sur tous les tons, et le coeur, et les vaisseaux, et le poumon, et la peau, à la façon des comptines enfantines, que boire un verre de vin tous les jours est bon pour la santé. Bientôt, ce sera comme pour le cochon, dans le vin, tout sera bon. Mais là, rien. Pas un mot, pas une ligne, pas un murmure de la profession. Silence radio.

Le 30.10.08 dernier, le journal Chemistry Central, revue scientifique en ligne, diffuse une étude difficile à digérer, dont je résume les conclusions: après analyse de vins en bouteille en provenance de 15 pays, il s’avère que ceux de cinq pays, dont la France, recèlent la présence de métaux lourds à un niveau dangereux pour la santé.

Les chercheurs, des Britanniques de l’université de Kingston -je précise qu’en l’espèce, on ne peut pas taxer les Anglais de malveillance puisqu’ils ne sont pas producteurs et sont en sus de grands amateurs- ont utilisé un coefficient de dangerosité déjà appliqué aux autres denrées alimentaires, notamment les légumes et les poissons, prenant en compte une absorption régulière tout au long de la vie. Dans le cas du vin, un verre tous les jours.

Ils ont une petite idée des causes. La carte des vins incriminés, pour ne pas dire contaminés, épouse en effet celle des zones climatiques humides et/ou à culture intensive de la vigne (la France), conduisant à recourir aux produits en « ide ». En conclusion, très raisonnablement et très logiquement, ils invitent les autorités sanitaires des pays concernés à conduire des études complémentaires.

De multiples articles dans la presse anglo-saxonne

C’est sûr, la nouvelle n’est pas très bonne. Il n’est pas sûr aussi que les Anglais aient définitivement raison et qu’il faille arrêter séance tenante de boire du vin français. Néanmoins, je regrette infiniment d’en avoir pris connaissance dans les bibles anglo-saxonnes du vin: Wine Spectator, Decanter, le très sérieux Washington Post et même dans un obscur site canadien, Psychomédia, lequel titre: « Des niveaux dangereux de métaux dans la plupart des vins français et européens ». On appréciera à sa juste valeur la mise en exergue de la mention française.

En mars dernier, un peu avant donc que je me lance dans ces chroniques, sont tombées dans ma boîte mail d’autres nouvelles pas réjouissantes-réjouissantes, sous le nom énigmatique de « message dans une bouteille ».

Le message était émis par les associations du Pesticides Action Network Europe (PAN-Europe). Il disait, en substance, que tous les vins issus de l’agriculture conventionnelle étaient contaminés par des résidus de pesticides à un niveau élevé, et forcément pas très bon pour la santé, même les très chers à 200 €/b, tandis que les vins issus de la viticulture biologique en étaient exempts.

Pour information et rappel du contexte, le vignoble représente 3% de la surface agricole en Europe mais 20% des pesticides utilisés. La profession à laquelle j’appartiens maintenant un peu a néanmoins traité la chose avec un mépris tout à fait élégant. Là encore, je résume:

  1. Circulez, il n’y a rien à voir car les niveaux de contamination constatés ne dépassent pas les limites maximales autorisées.
  2. Retournez à vos chères études, le champ de l’enquête est bien trop limité pour en tirer des leçons.

Je me méfie des tenants de l’apocalypse et des ayatollahs, mais quand même. Après la parenthèse des vendanges et de l’épisode pluvieux (pas loin de 700 mm en Languedoc), je suis retournée faire un tour dans les vignes. Les vignes sont au repos mais pas le sol.

Accélération de l’érosion

Cette année, après observation, j’innove. Je vais semer de la vesce noire d’Auvergne, de la moutarde et de l’orge que je faucherai au printemps dans l’espoir d’y faire revenir les vers de terre, dont Darwin dit: « Il n’y a pas beaucoup d’autres animaux qui ont joué dans l’histoire du globe un rôle aussi important que ces créatures d’une organisation si inférieure. »

Sur mes parcelles, malgré l’absence d’« ides » depuis au moins une décennie, le sol n’est pas loin d’être mort.

Les grosses pluies automnales, caractéristiques du climat languedocien, accélèrent l’érosion. Pour le coup, le spectacle est vivant (pas chez moi, mais juste à côté): désherbés chimiquement, ratissés pour faire propre ou joli (ce qui, en langage agricole classique, revient à peu près au même) au « rotovator », un outil dont l’utilisation a pour conséquence de former une croûte imperméable, gavée au printemps d’engrais azotés, les sols fichent le camp.

Dans son livre « Le sol, la terre et les champs », fort bien réédité avec des photos chocs (Editions ‘Sang de la Terre’), les agronomes renégats Claude et Lydia Bourguignon rappellent qu‘« assise sur ses quatre piliers (la manipulation génétique, les pesticides, le travail du sol et les engrais), l’agronomie en est toujours à faire la guerre à la mauvaise herbe ». Les démons sont puissants. Obama peut-il quelque chose à tout cela?

Par Catherine Bernard | Vigneronne — 13/11/2008 | 16H — RUE89