SAINT-POURÇAINÀ côté de nos voyages-dégustations en France et à l’étranger, nous faisons aussi des virées à 4 ou 5, à une seule voiture, en nous arrêtant dans des gîtes, bien sûr en Val de Loire, notre seconde patrie – Layon, Savennières, Saumurois, Bourgueil, Chinon… -, ou, comme l’année dernière, en MÉDOC pour dénicher des 2005 à 5 € et quelques (voir « Course eu Médoc 2005 » dans ‘Achats’).
Les 7 et 8 avril 2008 nous avons jeté notre dévolu sur SAINT-POURÇAIN, appellation somme toute peu prisée, à la réputation de « petit vin » de comptoir. Et nous y avons découvert des vins étonnants…

Participants : Claudine Crassard-Petit, Guy Lainé, Thierry Morvan, Daniel Berger.

Le syndicat des viticulteurs du Saint-Pourçain nous avait préparé une dégustation professionnelle, 11 blancs et 13 rouges de 2005, 06 et 07, organisée par Marie Lefort de la chambre d’agriculture de l’Allier, 24 ans, BTS de viticulture-oenologie et Licence de la vigne à Dijon, son premier job en CDI (1).

En BLANC le cépage typique est le Tressallier, appelé aussi Sacy blanc, la plupart du temps assemblé au Chardonnay et/ou au Sauvignon, deux anges gardiens (un peu trop gardiens parfois) volant au secours du petit moine un peu austère pour le soutenir, l’allonger, le hausser : que vaut-il sans étais ? On a cherché à le goûter tout seul, sans succès. Tout est dans le dosage et l’équilibre – ici un tout petit peu, là à moitié, ailleurs en plus grande proportion, c’est selon, le Tressallier est présent de 10 à 80%.

NB. Il faudrait un jour raconter l’odyssée du Chardonnay qui prend vie dans tous les sols sauf les plus riches et les plus humides, donne naissance à tous ces vins si différents, majestueux dans les climats chauds (Chili, Israël, Australie, Californie par exemple), élancés dans les pays tempérés, mystérieux en Nouvelle-Zélande, qui reste quand même bien bourguignon (Chablis, Côte d’or, Maconnnais), et qui vient relever des cépages locaux un peu partout sur le globe. Idem pour celle du Sauvignon.

QUELLE IMPRESSION nous laissent ces blancs après dégustation ?
Comme une nostalgie, sans doute imaginaire, du passé moyenâgeux de ce vignoble bourbonnais tranquillement parsemé sur 600 ha entre Moulins et Vichy, mont du Forez et d’Auvergne au loin, époque où les viticulteurs envoyaient au roi leurs barriques d’un vin sans doute peu alcoolique, un peu aigre, mais rafraîchissant et parfumé. Nous avons retenu d’abord ceux des maisons Gallas, Touzain, Courtinat.

Et en même temps, celle d’un vin moderne, à boire dans les 18 mois, bien vinifié, ingénu et simple, parfois acidulé, raisonnable en alcool (réglementé à 12,5° maximum), à l’herbe souvent jolie, qu’on peut parer de légères notes de chêne ainsi que le font Jean-Pierre et Corinne Laurent à Saulcet : ils nous ont fait goûter leur 2007 tiré à la pipette de cinq fûts de chêne de la forêt de Tronçay et américain (il y avait le lendemain une « séance de nez » organisée par le syndicat pour tester des barriques neuves de différents tonneliers). La famille Laurent vendange chaque parcelle séparément, chacune à l’optimum de maturité, et vinifie dans de nombreuses petites cuves distinctes pour produire leurs crus « tradition » (4,90 €), « prestige » (5,95 €) et « Puy Réal » (7,95 €), élégants et agréablement fruités (agrumes).

Le ROUGE est un assemblage de Gamay et de Pinot noir exclusivement, à 10% minimum de l’un ou l’autre. C’est le Gamay, entre côte-roannaise et beaujolais, qui donne souvent le la, mais le Pinot noir sait faire bonne figure. Parmi les 14 de la dégustation, outre ceux de Laurent, dénommées comme en blanc, « Prestige » qui s’appellera bientôt « Calnit » (calcaire granit) à 5,95 € et « Puy Réal » (7,95 €), sont ressortis les vins des caves Pétillat, Courtinat, Fugier, et Jallet. Cette dernière, située aussi à Saulcet (7 ha), a une particularité, sa cuvée de « ceps centenaires » 100% Gamay (4,70 €) cultivée sur 1,5 ha, qui a conclu la dégustation à son avantage.

Philippe Jallet fait également une cuvée « tradition » 80% Gamay et 20% Pinot noir (4 €) et une cuvée de vieilles vignes « Les Pierres brûlées », 70% Pinot noir et 30% Gamay (5,60 €), élevée en fût, là encore au goût de chêne très discret. Il n’a pas augmenté ses prix, vend chaque année la totalité de sa récolte et dit ne pas avoir besoin de l’appellation AOC. Sa devise préférée : « L’abus de modération nuit gravement à la consommation. » (Bag in box de 10 l à 31 €).
[« Les Cailles » 03500 Saulcet Tél. 04 7045 3978]

Au lieu-dit « Montjournal » sur la route de Montluçon, en face d’un petite église romane abandonnée, c’est une devise plus complexe qu’on voit accrochée au mur du chai du Domaine Grosbot-Barbara : « Le vin, il faut le faire avec l’art de soi-même », écrite à la main en 2002 par Brian Barbara alors âgé de… 9 ans. Denis, son père, est l’outsider du coin, il s’est mis au vin dans un esprit franchement novateur après différentes expériences professionnelles, en exploitant les 3 ha que son père faisait vendanger en fermage.

Veste noire zazou descendant au genou, Denis Barbara n’a pas franchement l’aspect d’un vigneron. Son blanc (5,50 €) comme son rosé (de presse et d’un peu de saignée, 4 €) ont un nez de rose. Il fait un rouge « Grande réserve » (4,80 €) et un autre, « La chambre d’Edouard » (5,50 €). Ses étiquettes sont dessinées par des artistes (dernière série : Jacques Decoret, de Vichy).

À son retour de la banque, qu’il a l’air de pas mal impliquer, il fonce nous chercher un Gamay 100% de 2003 qui nous piège : on dirait bien un Morgon. Il a la bougeotte et garde un continuel sourire, indique « vigneron indépendant » sur la carte de visite du domaine et ne laisse pas de documentation. Denis Barbara participe pleinement à l’intéressante cuvée 2007 d’assemblage des anciens cépages blancs. (2)
[Montjournal, route de Montluçon 03500 Cesset, Tél/Fax 04 7045 3992]

L’UNION DES VIGNERONS de Saint-Pourçain, coopérative fondée en 1952, rassemble 80 producteurs et vinifie près des 2/3 de l’appellation. Elle produit six blancs, cinq rouges, cinq rosés et trois spécialités : un effervescent, « Anne de Bourbon » ; un blanc de l’année mis dans une bouteille argentée en décembre, « Blanc Premier »; et un rouge primeur, « La Ficelle » (3). On a trouvé aussi une cuvée particulière, en blanc et en rouge, « Lo Mountogno », vieilli en cave à 1000 m d’altitude pendant deux ans aux environs de Pierrefort (Cantal) dans un endroit tenu secret de la montagne, d’où le nom, ce qui lui donne légèreté, finesse et pointu. Une réussite.
[Union des vignerons – BP 27, 03500 St-Pourçain-sur-Sioule, Tél. 04 7045 4282 <udv@udvstpourcain.com]

 rouge primeur, « La Ficelle »

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(1) Syndicat des viticulteurs du Saint-Pourçain, 29 rue Marcellin Berthelot, 03500 Saint-Pourçain sur Sioule.
Vins présentés par les vignerons Courtinat, Ray, Touzain, Vernois, Bellevue (Chantal et JL Petillat), Gallas, Gardien, Grobot-Barbara, Jallet, Nebout, famille Laurent et l’UDV.
(2) Initiative du Conservatoire des anciens cépages du pays Saint-Pourcinois, 03140 Chareil-Cintrat, qui comporte l’ensemble des cépages anciens du Bourbonnais : Aligoté, Melon, Meslier, Pinot beurot (gris), Pinot chardonnay (blanc), Romorantin, Saint-François, Saint-Pierre doré, Sauvignon et bien sûr Tressallier, récoltés et triés manuellement et vinifiés à l’ancienne.
(3) La légende veut qu’un tavernier de St-Pourçain au XVème siècle ait utilisé une ficelle pour mesurer la quantité de vin servie à ses clients : c’est le nom qui a été donné au rouge léger de l’année à base de Gamay.