DANIEL J. BERGER
Interview d’Arnaud de Butler le 8.02.2017
Cuvée spéciale n°5 : la commande des amis buveurs de Mmmm… ton vin ! grossit à vue d’œil, sans encore atteindre le seuil de 9 000 bouteilles, minimum requis pour bénéficier de l’offre des Vignobles de Butler — le graves 2015 du Château Trébiac à un prix exceptionnel. Le propriétaire de ce château sélectionné par le blog, Arnaud de Butler, nous dit pourquoi et comment il dirige son vignoble depuis 15 années.
Spécialiste financier au MATIF (1) jusqu’en 1999, Arnaud de Butler a baigné dans le vin dès l’enfance, il l’a goûté très jeune. Son père ingénieur agronome avait exercé dans la vigne et le vin comme gestionnaire et conseiller technique. Et entrepris en 1985 de relever le vignoble de Crabitey — propriété d’une congrégation de sœurs franciscaines chargées depuis le XIXème siècle d’un orphelinat situé dans les bâtiments du château.
Château Trébiac est un château à part entière sur le domaine de Château Crabitey ?
Les sœurs possédaient les deux bâtiments et donc les deux domaines contigus. Mon père et moi étions salariés du conseil d’administration de la Congréga- tion. Et les sœurs ayant quitté le domaine, nous avons pu les acheter d’un coup en 2008.
Vous avez attendu l’âge de 37 ans pour reprendre le vignoble de Crabitey après avoir acquis la certitude d’être sur un grand terroir…
Mon père Jean-Ralph de Butler avait conscience du potentiel de ce terroir extraordinaire. Dans les années 2000, l’étude de sol avait confirmé que les graves ici sont de type 3 et 4, c’est le seul domaine des Graves dont le sol équivaut à ceux des grands crus classés. Les conditions étaient donc réunies pour faire un grand vin à Crabitey. J’ai proposé à mon père de le rejoindre et il a d’abord hésité, il souhaitait pour moi un carrière plus sure. Et puis, me voyant aussi déterminé, il a fini par céder…
Après presque vingt ans d’efforts, quelles sont aujourd’hui les avancées palpables dans votre propriété ?
La superficie du vignoble d’abord, qui est passée de 12 à 30 hectares tout en renouvelant le « matériel végétal », en replantant une grosse moitié. Aujourd’hui, plus qu’à accroître le nombre de parcelles, nous cherchons à améliorer encore et toujours la qualité du raisin et travailler les rendements. Ensuite les équipements qui n’existaient pas — un chai de vinification de 500 m2; un entrepôt pour 300 000 bouteilles (quand j’ai repris, le vin était encore vendu en vrac). Et la mise aux normes de protection de l’environnement avec notre homologation ISO 14000 à la fin 2017. La distribution aussi : commercialisés à 55% en France, nous sommes dans 40 pays dont le premier est la Belgique. Et enfin la réputation : Château Crabitey est bien considéré, on sait que c’est un vignoble à grand potentiel et que les vins ont du style, qu’ils montent en qualité et accroissent leur garde.
Voilà pour l’acquis. Et pour l’avenir ?
Notre objectif initial était de changer de registre, monter en gamme, créer une nouvelle clientèle et obtenir la reconnaissance des professionnels. Nous l’avons atteint. Il reste un pas important à franchir : allons-nous faire du château notre lieu d’habitation ? Crabitey est un investissement familial très important, nous sommes tous actionnaires, c’est un projet global. Nous voulons poursuivre la dimension accueil et œnotourisme, mais pour notre lieu de vie rien n’est décidé.
À propos d’accueil, vous dîtes que vous voulez poursuivre l’esprit humaniste des anciens propriétaires, les sœurs franciscaines…
Oui, l’accueil au sens large, les visiteurs bien sûr, mais aussi les jeunes en formation et en recherche d’expérience. Et les voisins : nous y tenons car Crabitey est un endroit important de la région des Graves avec son histoire religieuse, c’est un lieu d’entraide.
L’Évêché n’avait pas été en mesure de remplir sa mission d’entretenir une cinquantaine d’orphelins, les sœurs auxquelles elle avait été confiée étaient pauvres alors elles allaient faire la quête dans Bordeaux.
Au siècle dernier plus qu’à l’église de Portets c’est à Crabitey qu’on venait à la messe et qu’on faisait sa première communion. Nous ne couperons certainement pas les ponts avec les anciens comme le ferait un investisseur financier.