DANIEL J. BERGER

À Bordeaux on pavoise, le 2015 s’affiche comme un bon, un très bon, peut-être un grand millésime.
Voici quelques réflexions consécutives à reniflements (longs), recrachats (consciencieux) et avalements (goulus) de quelques crus nouveaux-nés lors d’une journée et demie d’un château à l’autre.

SAINT-ÉMILION, de très belles réussites

Environ 400 bouteilles (1) dans une église désaffectée de la rue principale de Saint-Émilion.

Très bon niveau incontestable de ces vins en primeur : du fruité, des tannins déjà liés, du charnu, de la profondeur et de la perspective, rare à Saint-Émilion, résultat d’un bon état sanitaire des raisins et d’une large palette aromatique que la chaleur de l’été a permis, avec juste ce qu’il a fallu de pluies.
Un grand millésime dans l’environnement Saint-Émilion, Fronsac et Pomerol.

Les Saint-Émilion Grand Cru Classé et Grand Cru* à recommander pour un achat en primeurs :
YON FIGEAC, LA COUSPAUDE, GUADET (dont le vignoble est situé en pleine ville, rue Guadet…), HAUT SARPE, GRAND CORBIN, GRAND CORBIN DESPAGNE et GRAND CORBIN MANUEL*, FONROQUE, FONPLÉGADE, FOMBRAUGE*, CADET BON, PALATIN*, LA RÉVÉRENCE* et HAUT SAINT-BRICE*.
Mention spéciale aux châteaux PIPEAU*, PIERRE 1er* (ex CROIX FIGEAC), PAS DE L’ÂNE* pour leurs arômes de fumé, et COUTET* pour son fin goût herbacé.
Mon meilleur est LAROZE, magnifique.

(1) St-Émilion et satellites (Lussac, Puisseguin, Montagne, St-Georges), Lalande de Pomerol, Fronsac et Canon. NB. Classement 2012 : 18 St-Émilion, 270 St-Émilion Grand Cru, 63 St-Émilion Grand Cru Classé, 14 St-Émilion Grand Cru Classé B, 4 St-Émilion Grand Cru Classé A (ANGÉLUS, AUSONE, CHEVAL BLANC, PAVIE).

GRAVES, le bon rapport qualité/prix

63 châteaux présentés à la Chambre de Commerce et d’Industrie, place de la Bourse à Bordeaux.

Dans l’ensemble, les rouges sont déjà mûrs, onctueux, avec des tannins « peu réactifs ».

Certains blancs ont vu leur maturité bloquée en raison des écarts de température entre juillet et août, pouvant selon les endroits occasionner un stress hydrique, et réduire les rendements. Mais les blancs sont rarement ratés en Graves et Pessac-Léognan, même en 2013 ils étaient bons, si ce n’est excellents. Ils le sont encore cette année, avec une belle palette — intensité, minéralité, arômes d’agrumes (nectarine parfois) — malgré un léger manque d’acidité de temps à autre, pour 10-12 € ht en moyenne, prix départ.

En plus du rouge et de ses deux blancs, le classique et la fameuse Cuvée Caroline, CHANTEGRIVE présente cette année un Cérons exploité sur 3 hectares (6 000 b) et une cuvée confidentielle (1 200 bouteilles) de Grive Dorée, un moelleux succulent à 12 €/b.
Arnaud de Butler fait goûter son CRABITEY rouge pas encore tout à fait présent au monde, et son blanc déjà bien bon.
Caroline et Xavier Perromat sont satisfaits de leurs 2015, le CHÂTEAU de CÉRONS est excellent, et leur graves rouge, encore un peu gauche, qu’il faudra re-goûter à l’automne, promet beaucoup.
Le VÉNUS (rouge) me plaît, il a une allure d’indépendance vis-à-vis du goût médian, et son fruité mutin surprend.
Arrêt au stand HAUT SELVE chez les frères Denis et Arnaud Lesgourgues, dont le blanc sort du rang; comme celui de L’HOSPITAL voisin, dont l’infirmière donne envie de s’attarder pour les soins.
Enfin MAGENCE, toujours séduisant et ambitieux.

Millésime qualifié en Graves d' »hétérogène », qualificatif passe partout qui annonce prudemment les différences d’un coin à l’autre de ce vignoble « origine de Bordeaux », qui s’étend sur 40 km des faubourgs sud de Bordeaux jusqu’à Langon, et dont les blancs sont devenus incontournables à l’échelle mondiale.

À SUIVRE… (RIVE GAUCHE)