DANIEL J. BERGER

Le Portugal est devenu l’indiscutable 4ème grand pays du vin européen. L’Alentejo, région vinicole du sud produit le quart des vins classés du pays. Elle développe une activité œnotouristique intimement liée à la production vinicole.
Coup d’œil sur une région sèche jusqu’au désertique qui organise un concours de dégustation international bi-annuel,
VINIPAX, auquel Mtonvin était convié mi-octobre.

amphoresSans savoir avec précision quand ou comment le vin est né dans l’Alentejo, on suppose qu’il remonte à l’époque mégalithique andalouse — il y a entre 3 000 et… 6 000 ans —, celle des alignements de pierres et des dolmens au milieu des vignes (photo en fin d’article) dans certaines herdades (ou domaines, dans la région du Douro on dit quintas) comme celui de Pêra Grave.
C’est-à-dire que le vin existe ici depuis avant les Phéniciens qui l’ont fait voyager dans les premières amphores, donc avant les Grecs et avant les Romains qui, eux, l’ont réellement implanté dans l’Alentejo, en développant notamment la fermentation des raisins dans de grandes amphores en terre glaise.

D’un très vieux monde oublié…

On peut observer aujourd’hui autour de Beja un grand nombre d’amphores « modernes » utilisées pour la fermentation et la conservation, qui peuvent mesurer jusqu’à deux mètres et contenir 2 000 litres, une marque de l’affirmation de la très ancienne culture du vin dans la région.

PeramancaL’histoire du vin ici est très contrastée : VIIIème siècle, invasion musulmane, arrachage et disparition de la vigne pendant sept siècles jusqu’à la Reconquista à partir des années 1500, et ré-épanouissement au XVIIème avec les Viana d’Alentejo, les vins blancs de Beja, la Pêra Manca d’Evora et d’autres : l’Alentejo est au sommet.
Puis stagnation après l’indépendance du Portugal en 1640 et ensuite dégringolade au XVIIIème avec les arrachages dictés par la Compagnie Générale des vins du Marquis de Pombal, précurseur de la délimitation des régions viticoles appliquée aujourd’hui dans le monde entier, d’abord au profit du Douro à l’exclusion des autres régions viticoles lusitaniennes.
Bien des hauts et bien des bas. Et cela va continuer jusqu’à nos jours.

SalazarAu milieu du XIXème, défrichage des terres sauvages où s’installe une nouvelle génération d’agriculteurs qui plantent de la vigne là où elle n’existait pas.
Avec la grande médaille d’honneur de l’exposition de Berlin en 1888, attribuée à la Quinta das Reliquias, les vins d’Évora, de Borba, Redondo et Reguengos grimpent au top.
C’est à nouveau la chute avec le phylloxéra à la fin du XIXème, prolongée par les deux guerres mondiales et les 40 années de campagne céréalière (1933-1974) lancée par Salazar (à gauche), personnage dont on n’entend plus guère parler ici, imposant autoritairement aux terres du sud le statut de grenier du Portugal, la vigne étant reléguée à la marge.

… à un monde retrouvé, toujours vieux mais innovant

Après la révolution des œillets, dont on n’entend pas trop parler non plus, dans les années 80, une coordination de viticulteurs qui ont tenu le coup met en œuvre le projet de viticulture de l’Alentejo (PROVA), crée la première association de producteurs, les DOC en 1988 (équivalent des AOC), s’organise en huit sous-régions et une zone de « vin régional », et fondent une commission de réglementation et de certification. Depuis à peu près vingt ans, l’Alentejo vogue sans regarder en arrière, devenu avec l’aide des fonds européens, comme dans la Rioja, le nouveau vieux monde.

Alentejo_photo1Sur une surface de plaines sèches, arides, semi-désertiques (ci-dessus) de quelque 22 000 hectares (en comparaison, la Suisse en a 15 000, la Bourgogne 25 000, la Slovénie 30 000), bénéficiant d’une influence à la fois atlantique et méditerranéenne, l’Alentejo d’aujourd’hui produit, à 80% en rouge, un quart de l’ensemble des AOC portugais. Ce sont des vins concentrés, épicés et puissants (14° à 15°+), aux parfums expressifs de cacao et réglisse notamment.

En 1998, voyant son marché se bien porter, l’Alentejo libère le contingentement de plantations nouvelles. Les producteurs achètent autant de droits qu’ils veulent et bénéficient d’aides à la restructuration du programme Vitis. En dix ans la surface de vignes double, plus vite que son marché, en même temps qu’on arrache les vieilles vignes, trop selon certains. Il reste pourtant de nombreux cépages dont des variétés autochtones anciennes et uniques, exploitées à nouveau. Les plus répandus s’adaptent à la sécheresse de la région — les touriga nacional, aragonez, alicante bouschet typiquement ibériques, les syrah et cabernet sauvignon, ainsi que les trincadeira, castelão, ou alfrocheiro (anciennement appelé rouge français de Viseu) venu de la région du Dão plus au nord.

Pas de vin sans œnotourisme

L’Alentejo occupe la zone géographique qui se situe le long de la frontière espagnole de Portalegre au nord à l’Algarve au sud de la péninsule. Sa capitale Evora est inscrite au Patrimoine mondial de l’UNESCO en 1986.
Déjà réputé pour son tourisme rural, la région a systématiquement intégré l’œnotourisme à son développement vitivinicole dès le début, et s’est vu récemment décerner un premier prix devant vingt autres régions de tourisme vinicole en compétition : Mendoza (Argentine), Piémont (Italie), Napa Valley (Californie), Rioja (Espagne), Champagne, …

À SUIVRE : LE CONCOURS VINIPAX

Ci-dessous de g. à d. : chapelle à Santiago de Cacém; dolmen au milieu des vignes à Pêra Grave; une rue d’Arraiolos.

Alentejo_chapelle Santiago_de_CacemAlentejo_Dolmen de Pêra GraveAlentejo_Arraiolos