DANIEL J. BERGER

Un convivium de femmes de vin, épouses de propriétaires de Bordeaux et/ou propriétaires elles-mêmes, s’est formé autour d’un séjour de plaisir à la Feria de Séville. Après corridas, repas distingués, sorties dans les casetas et visites des lieux, ces dames sont venues aussi pour présenter leurs vins à l’hôtel Alfonso XIII.
Retour sur une escapade mémorable en avril 2015 dans l’orgueilleuse et sensuelle cité andalouse, l’occasion de croiser plusieurs dames de Séville, señoras réelles ou imaginées.

Cabestros_berrenda_en_coloradoAprès la dégustation de leurs crus classés, déjeuner dans les jardins de l’Alphonse XIII, où est convié Zocato qui disserte allègrement sur les corridas de La Maestranza — qui nous regarde, qui nous regaââârde (g) — et prolonge ses commentaires sur les braves cabestros à sonnaille (droite, envoyés dans l’arène pour ramener au corral deux manzos il y a deux jours) de propos irrésistibles sur les « vaches sauteuses »… spécimens rares, capables de franchir les barrières de leur enclos et partir cabrioler dans la nature. Zocato (à gauche, avec Isabelle Perrin/Château Carbonnieux) a connu celle de l’éleveur Zocato et Isabelle Perrin (Carbonnieux) 3espagnol Fernando Palha, l’une des six grises de Château Blanzac à Saint-Magne de Castillon, et la fameuse des Açores* en provenance de Saint-Émilion — une façon de rapprocher toros et vins. Alvaro Palacios Selon  Alvaro Palacios (à droite), dont le vignoble en Priorat est situé sur les pentes rudes de Gratallops, aficionado qui a toréé en traje corto (1), ce rappro- chement existe bien : « l’élevage du toro ressemble à celui du raisin, le vigneron est juste un berger, il ne doit pas cher- cher à dominer la nature, sa personnalité doit s’effacer devant celle du vignoble. »  Théorie inattendue de la part de celui que Wine Spectator qualifie de « vinificateur le plus sensationnel d’Espagne, » qui soutient que le rôle du winemaker  passe après celui du viticulteur : « je n’aime pas l’odeur de l’homme dans le vin, » affirme-t-il.

Comme le vin, le toro s’élève donc — de même que les vignobles, les élevages ont leur style propre, et qu’il y a de bons et de mauvais crus — et la position de Palacios prend toute sa valeur. En observant à chaque temporada, en Espagne comme en France, la bronca des aficionados de plus en plus souvent déçus par les résultats douteux de la sélection génétique du bétail (chutes sur les membres avant, manque de bravoure et présence de manzos, « body building » par traitement hormonal et dopage, etc.), on doit s’attendre à l’improbabilité d’une biodynamie taurine : si le vigneron peut cesser les traitements chimiques sur sa vigne et la soigner de manière naturelle, le ganadero, lui, reviendra-t-il en arrière ? Un taureau de combat à l’état sauvage peut-il à nouveau exister ?

Zocato va commenter pour Canal+ Espagne la corrida tout à l’heure, dominée par Manzanares (ci-dessous).

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En attendant de se rendre à son tour aux arènes, Marie-Hélène Lévêque (ci-dessous à gauche) va prendre une photo de la table du déjeuner post dégustation à l’Alphonse XIII, peut-être pour le blog de Château Chantegrive, et ces dames (ci-dessous à droite), sans oublier de remporter leurs caisses de bouteilles-culte (2), vont la rejoindre au Pepe Hillo (3) tout à côté des arènes pour avaler un verre de fino avec une tranche ou deux de jamón de bellota.

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Elles sont venues de Bordeaux passer quelques jours de détente entre elles — bains arabes, corrida bien sûr; déjeuner dans l’un des restaurants surplombant les allées Hércules, fondateur légendaire de Séville; dîner au Petit Comité, un gastrobar dans le vent calle Dos de Mayo, nous arrosant de Baigorri Reserva (4); sorties dans les casetas guidées par le danseur nîmois Yacin, venu il y a dix ans pratiquer ici l’art flamenco; promenades à pied ou en vélo (électrique) entre les jardins de l’Alcazar, la Casa de Pilatos et la basilique de la Macarena et, sur l’autre rive du Guadalquivir, au quartier gitan de Triana (5).

À SUIVRE…

* Ci-dessous, l’arène de la Isla Terceira aux Açores.

Arene_Isla_Terceira_Acores

(1) Traje corto : se compose d’un pantalon ajusté, d’un boléro, d’une chemise, d’un chapeau à large bord et de bottes. Les toreros portent ce costume à l’occasion des tientas (épreuves de sélection des taureaux) et des festivals. Alvaro Palacios n’a pas porté le traje de luces, l’habit de lumières, et épargne aux taureaux la mise à mort (propos recueillis par The WIne-Searcher.com du 25 juin 2015). Photo Arduino Vannucchi.
Alvaro Palacios, 31 ans, a été nommé « homme de l’année » 2015 par la revue britannique Decanter. Ses trois vins du Priorat, Finca Dofí, L’Ermita et Les Terrasses, sont déjà classés « vins culte ». Alvaro Palacios, 7ème enfant d’une famille de 9 réputée pour ses vins de la Rioja, est, avec Peter Sisseck (Pingus, Ribera del Duero) et Telmo Rodriguez (viticulteur en Toro), considéré comme la nouvelle génération des  vinificateurs espagnols. John Radford, spécialiste anglais des vins espagnols dit de ses vins : « Les Terrasses is excellent, Finca Dofí is outstanding and L’Ermita is unbelievable.« 

(2) À la mémorable dégustation de l’hôtel Alfonso XIII du 24 avril 2015, ont participé : Isabelle Perrin (Château Carbonnieux), initiatrice du projet, Lilian Barton et sa fille Mélanie Sartorius (châteaux Langoa Barton, Léoville-Barton et Mauvesin Barton), Emeline Borie (Château Grand-Puy-Lacoste), Florence Cuvelier (Château Léoville-Poyferré), Céline Foubet (châteaux Chasse-Spleen et Camensac), Marie-Hélène Lévèque (châteaux Chantegrive et Paveil de Luze), et Anne-Francoise Quié (châteaux Rauzan-Gassies et Croizet-Bages). Voir détails sur le post précédent.

(3) du surnom du matador José Delgado Guerra né à Séville en 1754, auteur de l’un des tout premiers traités de tauromachie La Tauromaquia o el arte de torear de pié y a caballo, encorné à mort en 1801 à Madrid, et immortalisé dans la série de Goya « Tauromaquia » (1815) (ci-dessous).

Pepe_hilloMort_Pepe_Hillo_Goya

(4) La Bodega Baigorri est située en Rioja Alavesa à Samaniego, au bas des Cantabriques (ci-dessous). Sa conception unique en escalier sur 10 niveaux (architecte Iñaki Aspiazu), est fondée sur le principe de gravité, permettant aux raisins d’arriver entiers aux cuves de fermentation en bas du chai, sans pompage, remontée ou manipulation mécanique. Visite conseillée.

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(5) Organisation du séjour : agence Cactus Event, 5 paseo de las delicias, 0034 954 22 70 56.