DANIEL J. BERGER

Le vignoble slovène, l’un des plus prospères d’Europe centrale, produit environ 800 000 hectolitres, l’équivalent de la Provence. Il se répartit sur 17 300 hectares en trois régions viticoles, Podravje, Primoska et Posavje, qui produisent une soixantaine de types de vins sur une très grande variété de terroirs.

PODRAJVE, vallée de la Drave (nord est, 7 000 ha) qui produit surtout des blancs, demi-secs ou doux. L’encépagement en blanc se compose en majorité de welschriesling, très répandu en Europe centrale, de chardonnay, sauvignon, Šipon (le furmint de Hongrie, cépage du Tokaj) et de malvazija (malvoisie d’Istrie); et en rouge, de refošk (le refosco italien), de Šametovka, et de plusieurs autres cépages autochtones.
PRIMOSKA, littoral adriatique (sud ouest, 3 000 ha), caractérisé par un climat méditerranéen aux étés chauds. Mais à l’automne et au printemps souffle le burja, un vent sec et glacé. Les rouges (cabernet sauvignon, merlot, pinot noir, et surtout refošk) y représentent 50% de l’encépagement rouge.
POSAJVE, vallée de la Save (est, 7 300 ha), au climat continental, qui produit en majorité des vins de table, dans laquelle se situe le vignoble COLNAR, à Otocec, où va se dérouler de notre dégustation…

Carte d’après Wikipedia

Dégustation au domaine COLNAR vendredi 12 juin 2015

 Colnar est un vignoble familial traditionnel de 10 ha planté pour une bonne partie en coteaux à 450 mètres, qui offre aux visiteurs un service œnotouristique, càd visite, nourriture et hébergement. C’est un « grand » domaine comparé à la majorité des exploitations de Slovénie qui pour 17 000 ha de vignes compterait quelque 28 000 viticulteurs * — même s’ils sont regroupés en syndicats et associations, c’est dire le morcellement de la production nationale.

Après deux apéritifs à base de plantes et de baies, les vins que nous avons dégustés sont les suivants :
— Cviček 2014, élevé en cuve. Rouge vif genre clairet. Léger, sec et notablement acide. Faible en tanins (11°). L’acidité ne masque pas les arômes de petits fruits rouges: framboise, mûre. Peut être bu en apéritif ou accompagner les repas (4 €) (photo). Existe aussi en blanc.
— Modra Frankinja 2011, élevé en barrique. Rouge simple et frais (12 €). Les participants à la dégustation lui ont trouvé un certain manque de matière et de rondeur, constaté aussi sur le
— Modra Frankinja 2006, servi ensuite au repas. Peu d’évolution après 5 ans
de garde (20 €).
— Laški rizling 2011, élevé un an en barrique (11,5°). Blanc doux aux arômes
de miel et d’agrumes confits (12 €).
— Laški rizling 2014, élevé en barrique d’acacia (11,5°). Blanc acidulé bonbon anglais (12 €).
— Pregreha 2009, vin de glace. Vendangé le 19.12.08 par moins 21°. Fermenta- tion 6 mois et élevage en barrique (10°) : 30 € pour 50 cl.

Les voyages forment le palais
Les blancs monocépage, doux comme secs, ont été plus appréciés que les rouges monocépage, notamment le refošk jugé âpre (si ce n’est râpeux) : le Rubido Tilia 2008 à la carte du Terme Krka, convenait mieux à notre goût habitué à l’opulence et la rondeur de l’assemblage typique de Saint-Émilion (80% merlot, 20% cabernet sauvignon).
Face à ces rouges rustiques, qui nous ont parfois donné l’impression d’une langue étrangère, c’est de notre culture du goût qu’il s’agit, qu’une telle expérience bouscule en remettant en cause nos habitudes, devenues certitudes — on apprécie mieux ce qu’on connaît.
Alors, l’exercice du voyage-dégustation ailleurs forme-t-il le palais, quitte à le déformer pour quelques instants ?

LES VINS de SLOVÉNIE

— La Slovénie est un pays producteur de vins blancs pour la plupart. La majorité de la production est dédiée à la consommation domestique. L’exportation compte pour environ 8%, vers la Bosnie, la Croatie, la Tchèquie et aussi les États-Unis.
— Après son entrée dans l’UE en 2004, la Slovénie a normalisé sa surface viticole en arrachant environ 5 000 ha et en réduisant ses rendements, toutefois encore élevés par rapport à ceux d’Europe occidentale.
— Un gros tiers de la production a le statut de « vin de table » (namizno) et le reste prétend à celui de « vin de qualité » (kakovostno) et « vin de qualité supérieure » (vrhunsko), s’apparentant à nos VDQS (aujourd’hui IGP**), cherchant à atteindre le niveau des AOC français ou DOC italiens.
— En plus des cépages français dits universels, la majorité des variétés slovènes, comme pour l’ensemble des pays de l’ex-Yougoslavie, provient d’Allemagne, Autriche, Hongrie et d’Italie du nord.
— Les prix consommateur sont relativement élevés, le seuil des 10 €/bouteille (1 litre et non 75 cl) étant souvent franchi et le verre au comptoir coûte en moyenne 1 €. La marge des restaurants est moindre et l’on y trouve des vins pratiquement au même prix que dans les caves et chais de viticulteurs où l’on peut acheter.*

— Quand il est seul, le nom du cépage sur l’étiquette tient lieu de marque, comme on a pu le constater (photo ci-dessus). Tandis que les vins d’assemblage (de plusieurs cépages) requièrent le nom de la région de production.

CÉPAGES : 52 recensés, 37 en blanc et 15 en rouge

Quelques cépages blancs (le blanc représente 70% de la production totale).
Outre le chardonnay (7%), le sauvignon (6%), le pinot gris, la malvoisie, on remarquera les suivants :
— Ranina, hybride nommé aussi bouvier du nom de son inventeur, donnant un vin léger, aux arômes de muscat plus ou moins prononcés. Surnommé Lait du tigre en Croatie.
— Rebula (ribolla gialla ou rumena rebula), cépage ancien provenant du Frioul. Donne un vin de couleur jaune paille aux reflets verts, souvent avec une bonne acidité.
— Sauvignonnasse, donne un vin moyennement acide. Serait originaire de Vénétie, développée en Frioul, d’où son autre nom, tocai friulano (en 2007 les Hongrois ont obtenu que le mot Tokai soit retiré, comme devant pinot gris en Alsace). Présente en bordelais au XIXème siècle sous la dénomination sauvignon vert, puis au Chili comme sauvignon (production rectifiée depuis avec le vrai). Sans lien génétique avec le cépage sauvignon, son acidité est moins marquée, et elle possède moins de minéralité et des arômes moins exubérants (fleurs sauvages).
— Vitovska, issu aussi du Frioul, produit un sec aux arômes fruités.
— Welschriesling, ou laški rizling, appelé encore riesling italien, c’est le blanc le plus répandu, généralement doux. Malgré son nom il est sans rapport avec le riesling d’Alsace ou d’Allemagne.

Principaux cépages locaux rouges (le rouge n’atteint que 30% de la production) :
— Modra Frankinja, issu du blaufränkisch autrichien et allemand (bleu de Franconie).
— Refošk ou refosco originaire du Frioul. Produit des vins à l’acidité soutenue d’une âpreté surprenante.
— Šametovka, qui couvre 5,6% du vignoble (qu’on trouve aussie en Istrie).
— Teran, au nez intense de fruits rouges et d’épices, avec des tanins fermes mais sans excès, auquel on prête des vertus médicinales. Répandu en Croatie et en Italie (terrano).

Vins spéciaux (nc)
— Vendanges tardives  et Sélection de Grains Nobles : cépages autrichiens/allemands, en Podrajve.
— Vin de glace ou ledeno vino, de tradition germanique, récolté dans les zones aux hivers froids.
— Vin de paille ou slamno vino, dont les grappes sont séchées sur claies, aux arômes d’agrumes, de cèdre, d’épices, melon, noisette, avec parfois des notes florales et de fruits (pêche, pomme golden).

* Des réserves sont à émettre sur les chiffres indiqués par les sources, souvent différents de l’une à l’autre.
** Indication Géographique Protégée.