Le vin sans soufre on en parle, on en parle, et puis un jour arrive où c’est devenu une réalité : le laboratoire Oenoteam vient d’embouteiller son premier vin sans soufre au Château Grand-Launay en côtes de Bourg, dont le directeur veut inscrire « vin sans sulfites » sur son étiquette.

Baudere, St Emilion Embouteillage, S2E - Cosyns, Ch Gd Launay - Duclos, OenoTeam - Pourtaud et Rigail, Ymelia - Libre de droitPierre-Henri Cosyns (2ème gauche), gérant du château Grand-Launay en côtes de Bourg, déjà connu pour son bio (sans pesticides, insecticides ou autres intrants chimiques), est de ces vignerons qui vont faire école. Adepte de la bioprotection prônée par le laboratoire Œnoteam de Libourne, il a fait embou- teiller 24 000 bouteilles de son 2014 sans ajouter de sulfites — qui empêchent le jus de raisin de tourner au vinaigre. Depuis toujours utilisé pour ses propriétés antiseptiques et antioxy- dantes qui, de la vendange à la mise en bouteille, protègent le raisin, le moût puis le vin des bactéries et de l’oxygène, le soufre est aujourd’hui montré du doigt comme substance allergène.

Qu’est-ce que la bioprotection ?

Les vignerons qui bannissent le soufre (SO2), leur nombre va croissant, recherchent la pureté et la finesse du fruit et du terroir, et une meilleure expression du vin, dit « naturel ». Thomas Duclos (milieu de la photo), l’un des experts de l’équipe Œnoteam déclare que « faire du vin sans soufre, c’est peut-être ultratechnique, mais c’est faire du vin, » ajoutant que « les vins sans sulfites sont susceptibles de refermenter, et notre rôle consiste à maîtriser la gestion des micro-organismes. » Le constat de ce laboratoire précurseur de la bioprotection est le fruit de nombreuses expériences menées grandeur nature depuis une dizaine d’années.

Le remplacement du SO2 par la bioprotection s’opère en multipliant les micro-organismes, ces levures et bactéries présentes de manière naturelle à la surface les raisins après les avoir sélectionnées, avec pour objectif et souvent pour résultat une expression plus cristalline du raisin donnant des vins nets, précis au plan aromatique et tannique, et au fruité pur et affirmé.

Par rapport au vin conventionnel, le vin sans soufre demande beaucoup plus de travail et de rigueur sur la plante, à la vendange et pendant la vinification.

Est-ce clair ? Un vin « sans sulfites » veut dire que le travail œnologique ne repose plus sur l’utilisation du soufre qui n’apparaît plus qu’à doses infimes après fermentation et non plus dès la vendange, mais sur le travail sur les micro-organismes que le soufre avait pour fonction de neutraliser. Devenu moins stable et donc plus fragile, le vin sans soufre nécessite de nouvelles précautions de stockage tout au long de la chaîne de production et de conditionnement jusqu’au consommateur.  Ce n’est qu’un début…

Déjà des adeptes en bordelais

Sur le millésime 2014, Œnoteam a appliqué la bioprotection intégralement sur les vins rouges des châteaux suivants : Cérons (graves), La Grave Figeac et Haut Veyrac (Saint-Émilion), de Payre (côtes de Bourg), Moulin Pouzy (Bergerac) et Grand Français (bordeaux supérieur) qui fait l’objet du post à suivre… Les expériences en cours sur les blancs sont encourageantes.

Trio OenoteamLe laboratoire Œnoteam (de g à d Julien Belle, Stéphane Toutoundji, Thomas Duclos) a créé en 2013 un club baptisé « inabottle« , réunissant actuellement 16 producteurs d’AOC du bordelais et un de Bergerac-Monbazillac qui font appel à ses conseils pour « l’élaboration de vins précis dans le respect des terroirs et en adéquation avec leurs marchés, » et mutualisent un certain nombre de frais dont ceux de communication.
En plus des compétences d’Œnoteam, la mise en bouteille du château Grand-Launay (28 hectares à Teuillac en côtes de Bourg) a eu recours à Ymelia, société d’ingénierie viticole qui a mis au point une machine supprimant le CO2 et l’oxygène de la ligne d’embouteil- lage; et à S2E (Saint-Émilion Embouteillage), dont c’est la première expérience sur des vins sans soufre.